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lyS LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

je me jette sous les broussailles. Mais elle m'a rappelé deux fois, elle a dû pervser que je m'étais moqué d'elle puisque voici ce qu'elle m'a écrit, que j'ai reçu le soir. C'était une drôle de fille :

« Après la façon dont vous m'avez quittée, je sais que vous ne viendrez pas, ni aujourd'hui ni demain. C'est pourquoi je vous écris ces paroles finales.

« Vous avez raison, c'est incontestable et je nageais dans la pure folie, je m'en suis très bien rendu compte. Si vous réfléchissez aux circonstances de ma vie, peut-être comprendrez- vous mieux. Evidem- ment il n'était pas raisonnable non plus de s éprendre de sympathie brusque et spontanée pour un étranger et sans juger si une réciproque était possible. Pardonnez-moi.

« Mais pourquoi cela empêcherait-il une amitié, toujours en public si vous le voulez, mais pas cette froideur de ce matin, je vous en supplie, et ces paroles méprisantes. J'en suis malade.

Votre amie, dites Raymonde Chalinargues. »

Que j'étais gai dans ce temps. Je n'ai qu'à songer au sentier qui va jusqu'à ma case, à la barrière, à la mare, aux pois- sons-têtards, au bouto qui m'apporta la lettre, j'ai autant d'innocence que j'en veux. Est-ce la mort de Raymonde qui m'a changé, c'est peut-être ainsi que l'on regrette les gens. Quand on commence à voir le détail et à se demander comment arrivent les ckoses, le reste s'égare. A la fin de la lettre, il y avait encore :

« Et puis j'aurais aussi un service à vous demander. Ce serait de l'argent à porter jus<}u'à Tananarive, à votre prochain vovage, pour l'envoyer à ma famille, qui l'attend. C'est donc moi qui vous demande par grâce de venir ce soir, vers huit ou neuf heures. Et je ne vous gar- derai pas rancune, si vous ne venez pas. Mais si vous saviez comme je suis seule. Et ce n'est pas vrai que je suis heureuse de l'être. J*ai fini de feindre je ne sais quel bien imaginaire. »

Est-ce qu'elle était vraiment devenue amoureuse de moi le jour où j'étais venu la voir de la part d'Aytré ? Je n'en revenais pas de surprise, lorsque j'ai reçu sa première

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