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2l8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Malheureusement la traduction de M. Marius André, exac- tement calquée, fait songer à ces traductions juxtalinéaires de la collection Hachette, qui nous furent d'un si grand secours en rhétorique.

La vanité de cet eftort vers le mot à mot est d'autant plus cruelle qu'on y sent la main d'un excellent humaniste.

La. fugitive nymphe, cependant, là où dérobe un laurier son tronc au soleil ardent...

Voilà qui ressemble aux incidentes d'Un coup de dés... et aux galantes inventions de M. Jourdain : « me font, belle mar- quise, d'amour vos beaux yeux mourir ». M. Marius André a laissé au lecteur le soin de traduire son mot à mot en prose ^ançaise, tâche que lui-même était qualifié pour mener à bien et qu'il nous doit d'entreprendre à présent.

ROGER ALLARD

  • *

LE POÈME DE LA PIPE ET DE L'ESCARGOT, par Tristan Derème (Emile Paul).

M. Tristan Derème, par le soin qu'il prend de justifier sa réputation de fantaisiste, demeure souvent en décade son talent. Il lui arrive d'allumer, aux endroits les plus touchants, une pipe qui sent un peu l'affectation. Cela nous fait souvenir des cigarettes de Penses-tu réussir ? — cendres de l'ironie à la mode de 1900. Il abuse aussi des enjambements à la Banville et des phrases en forme de table-gigogne :

l'eau tiède des bouquets que boit l'ombre torride et toi voluptueuse et nue et ton sourire et ton bras où miroite une chaîne d'ivoire et d'or...

Ces artifices qui jouent la « sensibilité frémissante » sont indi- gnes d'un poète qui, d'autres fois, sait chanter ainsi :

L'orage fauche l'herbe et les feuilles froissées Il siffle et fait voler les ardoises du toit.

Ce dernier vers ne ferait pas tache dans une belle fable de La Fontaine. La jolie pièce : Prt'/a/.f ton manteau... présente une série d'assonances subtilement nuancées, ■

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