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298 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

entraînait très lentement vers 'elle. L'inconvénient qui en a résulté est la perte de six milles environ, mais nous avions échappé à la mort certaine.

Vers une heure de l'après-midi, le vent souffla moins fort, et la mer déferla beaucoup moins. Nous en profitâmes sans retard pour reprendre notre route dans la direction de la terre : nous renti'àmes notre ancre flottante et la voile fut hissée tout en haut, ainsi que le foc qui nous permet- tait de gouverner la baleinière, bien mieux qu'avec un simple aviron de queue, — travail très dur et très pénible, auquel il me fallait porter toute mon attention, car je devais perdre le moins possible de chemin et m'appliquer sans cesse à atténuer les embardées ou crochets à droite et à gauche. Nous pûmes conserver cette allure, malgré que le vent et Ja mer fussent encore très forts ; ceux-ci pour- tant diminuaient au fur et à mesure que nous avancions ; au point que, vers 4 heures, le temps était devenu maniable et que nous étions bien plus tranquilles ; les lames n'embarquaient presque plus dans la baleinière, ce qui donnait un peu de répit aux hommes chargés de la vider. Puis, avec le temps maniable, l'espoir était revenu; cela se lisait sur tous les visages, car nous marchions vite et bien sur la terre. La position du soleil, lequel apparais- sait de temps à autre, m'en donnait la certitude. D'après mon estime du chemin parcouru, je comptais bien l'aper- cevoir avant la nuit ; l'horizon était très clair, nous devions la voir de très loin. Cet espoir ranimait tous les

��courages.

��Vers 5 heures du soir, la mer et le vent n'étaient plus bien forts; du vent, il ne restait plus qu'une légère brise faisant filer environ deux nœuds à l'embarcation, et de la mer qu'une forte houle, très longue, sur laquelle notre baleinière montait, comme un oiseau sur la lame. Je voyais le moment approcher où il faudrait reprendre les avirons, car le vent tombait toujours de plus en plus, et dans cette prévision, j'engageai mes hommes à prendre un

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