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VAUI-RAGI- DE LA « VîLLE DE SAINT-NAZAIRE » 3II

brer. Ce qu'elle a souffert de la peur ce jour-là, cette pauvre femme, est inimaginable et il faudrait une plume plus élo- quente que la mienne pour pouvoir décrire les angoisses et les crises de nerfs qui la prenaient. Malheureusement, j'étais impuissant à lui rendre le sang-froid nécessaire et à l'apaiser même un instant.

Vers 3 heures après-midi, le vent tomba tout à coup de moitié et un orage se fit annoncer par un gros nuage noir montant du côté de la terre et. accompagné d'éclairs très vifs, laissant une traînée lumineuse sur le nuage. La mer s'était aplanie en même temps que le vent était tombé et, dans le canot, nous étions relativement tranquilles ; l'eau n'embarquait plus. La femme de chambre était devenue moins nerveuse, mais comme elle était trempée jusqu'aux os, ses dents claquaient continuellement.

Pour moi, je voyais avec plaisir monter l'orage et je pen- sais qu'il allait probablement nous donner à boire. Je ne me trompais pas. L'orage approchait rapidement et nous aveuglait d'éclairs très intenses, en même temps que le tonnerre nous assourdissait de son terrible fracas. De larges gouttes de pluie commencèrent à tomber. C'était un de ces orages sans vent, mais chargé d'électricité et d'eau glacée. Cette eau était mélangée de petits grêlons et ceux-ci nous paralysèrent de froid pendant l'heure qu'ils mirent à tom- ber. Mais que nous importait d'être mouillés jusqu'aux os par cette eau glacée, pourvu que nous puissions boire et nous redonner des forces pour continuer notre lutte. (De deux souffrances qui vous étreignent on en arrive à oublier la moins dure et pour nous, ce n'était pas le froid qui nous gênait le plus, mais un grand besoin de boire n'importe quoi.) Enfin la pluie tomba de plus en plus serrée et tous, dans la baleinière, nous nous mîmes en mesure d'en recueil- lir le plus possible. Heureusement nous avions une gamelle et une pelle à ordures qui avaient été jetées dans le canot au moment d'abandonner notre navire et qui nous -furent d'un grand secours pour recueillir l'eau qui dégoût-

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