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NAUFRAGE DE LA « VILLE DE SAINT-NAZAIRE » 313

de tomber, l'orage s'éloignant dans la direction de l'Est.

Il avait fait le calme le plus complet pendant cet orage, mais aussitôt qu'il fut passé, la brise reprit du N.-E. et devint fraîche. Des grains de brouillard se formèrent pen- dant lesquels il ventait fort et qui limitaient beaucoup notre vue. La mer devenait rapidement agitée au fur et à mesure que le vent prenait de la force. Pendant les grains nous avions l'illusion que notre baleinière naviguait sur un plan incliné et qu'elle était emportée avec une vitesse verti- gineuse. Derrière nous, nous apercevions Tliorizon embru- mé et très élevé, comme on aperçoit le sommet d'une colline quand on est à mi-pente. Devant nous l'horizon nous apparaissait comme le fond de la vallée ; je me sou- viens très bien que nous nous demandions dans quelle direction nous emportait cette pente, sans réfléchir que le vent étant N.-E. (chose dont j'avais pu me rendre compte en apercevant un instant le soleil tout de suite après l'orage) comme nous prenions la brise de la hanche de tri- bord, nous devions avoir le cap à l'Ouest ; mais mon attention était complètement retenue par la surface en plan incliné sur laquelle je sentais la baleinière emportée comme une flèche. Quand l'horizon devenait tout à fait clair, l'illusion disparaissait, ce qui me fait supposer qu'elle n'était produite que par le brouillard, joint au fait que nos yeux étant placés presque au niveau de la mer, notre vue ne s'étendait pas très loin.

Ce fut dans le courant de cette journée que nous fîmes la rencontre du troisième vapeur. Il était environ une heure de l'après-midi, d'après la hauteur du soleil dont j'avais aperçu la lueur plusieurs fois entre les nuages. La brise étant très fraîche, ainsi que je l'ai déjà dit, et la mer ayant grossi, nous naviguions à l'Ouest. Tout à coup le lieutenant Hébert (mulâtre de sang-froid et d'énergie qui a été le seul dans ma baleinière qui m'ait été d'un concours utile et incontestable pour nous défendre de la mer et lutter avec courage jusqu'à la dernière minute), le lieute-

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