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Page:NRF 16.djvu/34

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n’avait pas pleuré. Deux jours plus tôt — et pour anticiper encore avant de revenir à l’instant même auprès du lit où ma grand’mère agonisait — pendant qu’on veillait ma grand’mère morte, Françoise, qui ne niant pas absolument les revenants, s’effrayait au moindre bruit, disait : « Il me semble que c’est elle. » Mais au lieu d’effroi, c’était une douceur infinie que ces mots éveillèrent chez ma mère qui aurait tant voulu que les morts revinssent, pour avoir quelquefois sa mère auprès d’elle.

Pour rétrograder maintenant à ces heures de l’agonie :

— Vous savez ce que ses sœurs nous ont télégraphié ? demanda mon grand-père à mon cousin.

— Oui, Beethoven, on m’a dit, c’est à encadrer, cela ne m’étonne pas.

— Ma pauvre femme qui les aimait tant, dit mon grand-père en essuyant une larme. Il ne faut pas leur en vouloir. Elles sont folles à lier, je l’ai toujours affirmé. Qu’est-ce qu’il y a, on ne donne plus d’oxygène ?

Ma mère dit :

— Mais alors maman va commencer à mal respirer. Le médecin répondit :

— Oh ! non, l’effet de l’oxygène durera encore un bon moment, nous recommencerons tout à l’heure.

Il me semblait qu’on n’aurait pas dit cela pour une mourante, que si ce bon effet devait durer, c’est qu’on pouvait quelque chose sur sa vie. Le sifflement de l’oxygène cessa pendant quelques instants. Mais la plainte heureuse de la respiration jaillissait toujours légère, tourmentée, inachevée, sans cesse recommençante. Par moments, il semblait que tout fût fini, le souffle s’arrêtait, soit par ces mêmes changements d’octaves qu’il y a dans la respiration d’un dormeur, soit par une intermittence naturelle, un effet de l’anesthésie, un progrès de l’asphyxie, quelque défaillance du cœur. Le médecin reprit le pouls de ma grand’mère, mais déjà, comme si un affluent venait apporter son tribut au courant asséché, un nouveau chant s’embranchait à la