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NOTES 501

Mais pourquoi en vouloir à M. Spengler ? Le temps n'est plus où on pouvait dire avec Montesquieu, que « quoiqu'on doive aimer sa patrie, il est aussi ridicule d'en parler avec pré- vention que de sa femme, de sa naissance ou de son bien. » Si je lui rappelais la sentence de l'auteur de l'Esprit des Lois, M. Spengler qui est historien, pourrait me reprocher à juste titre, de commettre un anachronisme. Qu'il use donc hardi- ment du droit que lui confère son siècle et qui lui permettra en tous cas de persévérer dans une fidélité exclusive et à toute épreuve. Et pourtant, je lui en veux parfois. Historien univer- sel, il a dû jouir de l'hospitalité, d'une hospitalité toute spiri- tuelle chez les différents peuples qu'il a rencontrés dans ses voyages ; il me semble parfois qu'il l'oublie trop facilement.

D'ailleurs les infidélités ou la fidélité de M. Spengler n'ont pas lieu de nous préoccuper beaucoup. Ce que nous voudrions savoir, c'est comment M. Spengler parvient à unir si parfaite- ment à ses visions de l'univers les vues bornées et étroites d'un politicien en mal de programme. C'est là en etfet un problème bien curieux, et qui est loin de se limiter au livre et à la per- sonne de M. Spengler. Comment arrive-t-il que les mêmes hommes puissent être à la fois myopes et presbytes, comment se fait-il que leur horizon semble tantôt s'élargir pour s'étendre a l'infini, et tantôt aller en se rétrécissant, pour ne plus laisser place qu'aux vues courtes et bornées, et comment ces deux manières de voir s'unissent-elles pour former cet être hybride : une métaphysique nationale ?

L'idée pour M. Spengler est toujours inhumaine, et devant ce fait d'ordre métaphysique, l'homme ne pourra que s'incli- ner ; s'il ne veut pas l'admettre, et, faible humain, témoigne de quelque pitié pour ses compagnons, il sera démontré que c'est un individualiste, un eudémoniste, un Anglais enfin. Mais on aura beau faire, phénomène bizarre, l'homme après s'être hum- blement prosterné devant l'idée, à la première occasion, prend sa revanche. Ne pouvant prétendre s'élever jusqu'au monde des idées, il fera descendre l'idée à son niveau et tout en continuant de lui témoigner un zèle fervent, il lui fera dire ce qu'il vou- drait qu'elle dît. Cela d'ailleurs n'a rien qui doive nous étonner. Quand l'homme croyait aux dieux, il n'agissait pas autrement; ne pouvant lutter contre les volontés divines, il s'y prenait de

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