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MARS OU LA GUERRE JUGÉE '

��DU BEAU

Nul n'est à l'abri de cet enthousiasme prodigieux qui fait que l'on veut marcher sans savoir jusqu'où, à la suite d'une troupe bien disciplinée et résolue. Ces effets sont bien connus, mais communément attribués au prestige de la Patrie, naturellement présente ici à l'esprit de tous. Ce n'est pas le seul cas où le Dieu naît de l'enthousiasme ; et je crois que ce sentiment est proprement esthétiqu-e, j'en- tends qu'il n'est ni fortifié ni même modifié par les pâles idées qui l'accompagnent, concernant le devoir et le sacri- fice ; tout au contraire, ces idées en sont illuminées et réchauffées ; en sorte que l'objet réel du culte, c'est bien l'action même, commune, réglée, rythmée, enfin perçue et sentie par toute la surface de notre corps.

Tout est parlait en cette danse ; Tordre y est sensible ; lamusiquey est exactement adaptée; la volonté de tous est perçue par chacun ; volonté de quoi ? D^agir en commun, sans rien d'autre ; et cela suffit pour que le bonheur de société soit éprouvé sans mesure, balayant tous les médio- cres soucis, tout sentiment de faiblesse, toute crainte. L'homme se sent et se perçoit avec les autres, invincible et immortel. Ce tambour le fait dieu.

Je renonce à définir le beau. Du moins ce défilé mili- taire en donne un exemiple incomparable. Le sentiment de bonheur ne dépend point du tout de quelque idée sur les fins poursuivies ; l'opinion de chacun n'importe guère,

I. Les chapitres que l'on va lire appartiennent au début et à la fin de Mars ou la gtierre jugée.

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