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MARS OU LA GUERRK JUGÉE '5 39

dernière vanne. Tout ce qui a dépassé ce point est pour la guerre, sans aucun doute pour personne. L'action conti- nuelle de Tennemi, maintenant sensible, termine toutes les délibérations ; l'homme n'a qu'une place, en ce jeu serré ; îl la cherche ; il ne peut être ailleurs. Bien vainement cette ligne volcanique, au crépuscule, illumine les nuages ; ici est comme déposée cette peur d'imagination qui coupe les jambes. La peur n'est plus à présent qu'une émotion bru- tale, imprévisible, et qui ne laisse pdïni de traces. Le danger a une forme, et le soldat retrouve son métier. Jusque-là tous ces hommes qui vous poussent offrent l'image abjecte de la peur bien établie, spectacle qui nourrit peur, haine, tristesse. Maintenant ces frères de misère inspirent con- fiance et fraternité. Tout à l'heure la même question re- venait toujours : « Pourquoi moi, et non pas eux ? » Contre quoi le Système excerçait sa pression mesurée. Mainte- nant au contraire chacun se dit : « Pourquoi eux et non pas moi ? » C'est pourquoi vous le voyez qui va à son poste d'un pas décidé, comme Régulus retournant. Et c'est le deuxième retour du courage.

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��LES RÈGLES DU JEU

Un journal a raconté l'histoire d'un fantassin, père de famille et deux fois cité pour son courage, qui, revenant à la tranchée avec des vivres, entra dans un abri pour laisser passer un moment dangereux et par malheur s'y endormit; à la suite de quoi il fut accusé d'avoir abandonné son poste devant l'ennemi, et finalement fusillé- Je prends le fait pour vrai, car j'en ai entendu conter bien d'autres du même genre. Ce qui m'étonne, c'est que le journaliste qui racon- tait cette histoire voulait faire entendre que de telles con- damnations sont atroces et injustifiables ; en quoi il se trompe, car c'est la guerre qui est atroce et injustifiable ; et, dès que vous acceptez la guerre, vous devez accepter cette méthode de punir.

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