Page:NRF 16.djvu/682

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Fiökla. — Ah, ça, non ! Epousez-la, vous m'en féliciterez chaque jour et m'en remercierez.

Podkolièssine. — Tu blagues, Fiôkla Ivânovna.

Fiökla. — Je suis trop vieille, mon cher, pour blaguer. Laisse ça aux autres.

Podkolièssine. — Et la dot ? la dot ? Reparle m'en un peu .

Fiökla. — La dot ? Maison en pierres à deux étages dans le quartier de Moscou, et d'un tel rapport que c'est une vraie satisfaction. L'épicier seul paye sept cents roubles. Le débit de bière attire une société énorme. Et la maison a deux ailes, l'une toute en bois, l'autre sur fondation de pierres. Chaque aile rapporte quatre cents roubles par an. Et il y a aussi un potager dans le quartier de Vyborg. Un marchand voulait, il y a trois ans, le louer pour y planter des choux ; un marchand tout ce qu'il y a de bien, qui ne s'envoie pas une goutte de liqueur par le bec, et qui a trois fils. Il en a marié deux ; le troisième, dit-il, est encore jeune ; qu'il reste à la boutique pour m'aider à mener mon commerce. Je suis déjà vieux, dit-il.

Podkolièssine. — Et de sa personne, comment est-elle ?

Fiökla. — Comme du sucre fin ! Blanche, rose. Du sang et du lait !.. Une telle crème qu'on ne peut pas en donner une idée. Vous en aurez du plaisir jusque là. (Elle montre son gosier.) Vous direz, et à vos amis et à vos ennemis : Ah, cette brave Fiôkla Ivânovna, comme je lui suis reconnaissant !

Podkolièssine. — Dis tout ce que tu voudras, mais elle n'est pas de mon rang qui est celui d'un officier supérieur.

Fiökla. — Fille d'un marchand de la troisième classe, je ne dis pas le contraire. Mais, elle ne ferait pas honte à un général. Elle ne veut pas entendre parler d'un marchand : Je prendrai n'importe quel homme, dit-elle, même un nabot, pourvu que ce soit un noble. Ah, elle a des sentiments délicats ! Et le dimanche, quand elle met sa