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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE

LA CONSCIENCE LIBRE ET LA GUERRE

Nous ne retrouvons pas encore tout à fait dans CUrarnbault le Romain Rolland de Jean-Christophe. La secousse morale de 1914 a déséquilibré chez bien d'autres encore les puissances créatrices de l'œuvre d'art, et ce sont là, dans tous les pays du monde, des dommages de guerre que nulle commission n'éva- luera. Mais notons que l'affaire Dreyfus avait eu le même effet, — et je crois que du point de vue intérieur français, du point de vue spirituel surtout, on peut comparer à peu près les deux événements et les deux influences. La différence la plus notoire (elle est d'ailleurs d'importance et voilà un cas où, quelle que soit la perspicacité du lecteur, le point d'ironie paraîtrait peut- être nécessaire) consiste en ceci : que la France des temps drey- fusiens était bien partagée en deux camps, tandis que la France de la guerre vivait à peu près sous le régime dit de cette union sacrée, dont les dissidents étaient allés, pour toutes sortes de raisons, se grouper en Suisse autour de M. Romain Rolland. Peut-être devrait-on accorder à l'auteur de Clêramhault que cette différence numérique est du point de vue spirituel qui est le sien et qui sera, dans ces pages, le nôtre, tout à fait négligeable. Dès qu'une question est posée devant l'esprit public, dès qu'un « Etre ou ne pas être », cristallise pour des consciences autour d'un problème vital, ce qui importe c'est ce problème, les pas- sions qu'il excite, la profondeur à laquelle il enfonce sa charrue et retourne la terre, et non pas le nombre qui appuie telle ou telle solution, la quantité de têtes qu'il y a de l'un ou de l'autre côté. Il y eut une période de l'affaire Dreyfus où les dreyfusards étaient un, Bernard Lazare, puis une autre où ils auraient tenu,

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