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732 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

émerveillements sont comme l'entrevision du paradis perdu, dans lequel nous ne cessons de vivre, mais que jusqu'à la mort, nous ne saurons pas voir. Pour Obermann, pour M. Duhamel, si la parole est certaine, son sens, en définitive, ne reste-t-il douteux ou fallace ? Ces Elégies — c'est leur charme, est-ce leur péché ? — donnent leur coup d'aile au-dessus d'un paysage de brunies...

Un rayon leur vient, d'ailleurs, quand les inspire la tendresse humaine. Large rai qui glisse entre les collines pluvieuses, éclaire les baraquements maussades, et frappe les couchettes où des hommes, des soldats, laissent étendre avec indift'érence leurs membres froids et blessés.

HENRI FOURRAT

                * * * 

JEAN-LUC PERSÉCUTÉ (nouvelle édition) et LE CHANT DE NOTRE RHÔNE, par C.-F. Ramuz (Georg, à Genève).

La renommée de M. Ramuz, qui est très grande en Suisse romande, s'est jusqu'ici peu répandue en France, et beaucoup de Suisses nous taxent, à ce propos, d'injustice, ce qui n'est pas sans quelque vérité. L'éditeur Georg en a publié récemment deux volumes, tous deux d'une grande beauté d'exécution matérielle, et sur l'un et l'autre desquels un Français portera des jugements assez différents.

Le Chant de noire Rhône est un poème en prose à la gloire du Rhône, figuré comme le père du pays qu'il traverse et que M. Ramuz chante avec un bel enthousiasme de vigneron vaudois. Ce poème c'est un jus de raisin écrasé qui coule sous le pressoir, fumeux et trouble, encombré de peaux de raisin, de pépins et de boue, en style dionysiaque vraiment cahoté et barbare, on se détachent quelques morceaux verveux sur bien des pages sans intérêt. Sans intérêt pour nous tout au moins. Il est très possible, il est même fort probable que cela a une saveur locale très prononcée et que lu à Vevey, à la fête des vignerons, cela réjouirait bien des cœurs, et le mien d'abord si je m'y trouvais. Lu sans atmosphère favorable il en reste peu de chose.

Il n'en est pas de même de Jean-Luc persécuté, roman déjà ancien, mais que M. Ramuz a écrit à nouveau et présenté avec