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NOTES ' 743

les ouvrages que Paul Claudel a écrits pour le théâtre, c'est cer- tainement le plus complet, celui qui allie le plus de grandeur au plus précis dessin des figures, celui qui fait résonner tous les registres de l'émotion, depuis les plus familiers jusqu'aux plus sublimes. Nous n'attendions aucune révélation de la pièce même, mais nous étions curieux de voir ce que serait l'inter- prétation d'une œu\Te qui présente des difficultés si exception- nelles, et quel effet proprement dramatique elle produirait à la scène.

La Comédie-Montaigne s'est efforcée, avant tout, de con- ser\'er à la pièce sa vérité immédiate, quotidienne, de la rappro- cher de nous, d'en souligner le côté rustique et populaire par où elle enfonce des racines profondes dans le sol de la vieille France. C'était assurément le meilleur point de départ et, tant qu'à courir un danger, mieux valait risquer de ne pas soulever le spectateur jusque sur les parvis du ciel, que de s'élancer soi- même au plus haut, mais sans contact avec l'auditoire et sans le faire décoller du sol. Combien il y a de grandes œuvres lyriques qui ne supporteraient pas cette épreuve de la familia- rité et qui s'évanouiraient si l'on voulait remplacer par de simples créatures humaines leurs solennels fantômes ! L'An- nonce en sort victorieuse parce que tous ses personnages marchent bien réellement sur notre terre et que, s'ils ont des proportions surhumaines, ils sont cependant organisés comme des hommes de tous les jours. Le biais par où Gaston Baty abordait sa mise en scène était donc excellent ; le reste était question de souffle, de force, d'envergure. Chose paradoxale et qui tient en partie à la distribution : ce sont pourtant les scènes surnaturelles, comme celle de la résurrection de l'enfant, qui sont sorties avec le plus de relief ; ce sont les plus humaines qui ont manqué de force. Dans toute l'œuvre, rien ne me touche autaat que les adieux du vieil Anne Vercors qui, « las d'être heureux », quitte les siens pour aller en Terre Sainte ; cette figure du père, humaine et mystique, me parait être le centre même de la pièce ; c'est elle qui en donne le ton, qui e n relie les parties terrestres et divines. Or elle fut jouée de façon molle, sans accent ni grandeur, et tout le spectacle s'en est ressenti. D'une façon générale, la crainte du jansénisme drama- tique a fait verser l'interprétation dans le défaut contraire :

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