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effacement excessif des arêtes, substitution de l’agrément et de l’ingéniosité à la puissance et au caractère. Les costumes ont de la saveur ; la disposition de la scène est sobre et satisfaisante ; mais on eût souhaité dans le jeu quelque chose de plus âpre, que semble appeler la robustesse même de la langue et la plénitude de sa sonorité. Mais c’est déjà beaucoup que d’avoir su rendre, d’une manière cohérente, un aspect d’un ouvrage si écrasant, qui demande de la part des comédiens non seulement de l’autorité mais une science peu commune de la diction.

Paul Claudel a intitulé sa pièce non pas drame mais mystère. C’est ce qu’il ne faut pas oublier. Un drame est clos sitôt que s’est produite la catastrophe ; un mystère au contraire se prolonge au delà de la crise, jusqu’au rétablissement de l’équilibre, jusqu’à la réconciliation avec Dieu. De là le dernier acte, qui va vers l’apaisement et qui étonne toujours nos vieilles habitudes. Mais il est bien dans la tradition et dans la logique du théâtre religieux. Un tel prolongement, contraire à toutes les règles du théâtre, ne serait-il pas aussi, bien souvent, conforme à la simple logique humaine, car enfin la catastrophe jette tout par terre, mais nous laisse en général fort incertains sur l’avenir des personnages auxquels nous nous sommes intéressés ; et quand l’auteur ne les tue pas tous, ne serait-il pas plus satisfaisant pour le cœur de ramener les survivants jusqu’à la paix ?

JEAN SCHLUMBERGER

LA ROSE DE ROSEIM, par Jean Variât (Théâtre des Champs-Elysées).

Un vieil homme nommé Mathias, soldat de métier au service de la ville de Roseim, est congédié par le conseil. Il ne demande qu’à servir encore. On lui donne des remerciements avec un verre de vin, du pain et quelques pièces de monnaie qui n’ont plus cours. Et le voici à la disposition de Dieu sur la route. (On ne parle pas de Dieu, mais il est là.) Il rencontre successivement un mendiant aveugle, une femme abandonnée, trois orphelins. II distribue son pain, ses pièces de monnaie et prend les enfants avec lui après les avoir retirés de l’eau. Le jour de la grande fête des vendanges, il entre par hasard dans une autre cité. Comme il a fait entendre le « cri de charité », la petite