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758 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

les jeter aux genoux de Haendel qui, pour lui, ne représente pas seulement un grand musicien, mais le seul musicien de génie, la réincarnation d'Orphée. Il saisira la moindre occasion de revenir à ce sujet ; il en abuse. De même, il donne à certaines de ses théories, à celle par exemple qui féminise l'auteur de VOcivssée, une importance troublante, sinon fâcheuse. Ne vous permettez pas de critiquer, fût-ce modestement, ni de douter, même sur le ton le plus respectueux : Butler se fâcherait aussitôt et vous dirait les choses les plus désagréables, puisqu'il sait de source sûre que Nausicaa fut l'auteur de VOdyssce, et que vous n'en savez rien.

« Je suis, écrivait-il, d'âge mûr, grisonnant et, à l'avis d'Alfred, mon secrétaire, d'un embonpoint dégoûtant; je porte lunettes et, à mesure que je vieillis, ma bronchite augmente. Et pourtant, aucun prince de conte de fées jamais ne découvrit princesse invisible mieux cachée derrière un buisson de stupi- dité ou dormant d'un plus profond sommeil que Nausicaa quand je la réveillai, saluant en elle l'auteur de VOdyssée. Et cela ne fit non plus nulle difficulté : il suffisait d'atteindre le seuil de la porte et de tirer le cordon de sonnette. »

Vous voyez : il serait inutile d'intervenir. Butler en sait plus long que vous et ne le laisse pas ignorer. — S'il se dégagea brutalement, violemment, de la foi de ses pères, il la rempla- çait par des convictions personnelles aussi ardentes, presque fanatiques et qui, peut-être, l'encombrèrent. En tous cas, jamais Butler n'est ennuyeux : la courte et pénétrante étude que M. Valer}' Larbaud nous donne de lui, étude précise et cepen- dant générale, inspire l'envie de le connaître. L'auteur de ces quelques pages le connaît bien. Il a vécu, pour ainsi dire, dans l'intimité spirituelle d'un grand homme qui lui est cher jusque dans ses singularités. Quatre années durant, il s'est évertué à traduire ses oeuvres maîtresses. Je pense que leur lecture sera fructueuse, étonnante souvent, attachante toujours... mais il faut apprendre à les lire. Gilbert de voisins

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