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REFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 7I

monde profit de la guerre, la jouissance de la guerre, le mensonge jusqu'aux racines... les abrités, les embusqués, les policiers, les obusiers, avec leurs autos insolentes qui res- semblent à des canons, et leurs femmes haut-bottées, au museau saignant, ces gueules de bonbon féroces... Ils sont contents... Tout va bien !... Ça va durer, ça dure... Une moitié de l'huma- nité mange l'autre. » Le petit soldat a changé d'ennemis, alors que Clérambault continue à les voir dans l'Allemand. Plus tard, quand Maxime sera tué, il comprendra la pensée de son fils,, il la vivra à son tour. En attendant « Maxime s'en alla, soulagé de retourner au front. » (M. Rolland fera bien rire un poilu en copiant ici les anciens patriotes d'arrière). Quand Clérambault aura affranchi sa conscience, il groupera autour de lui de jeunes anarchistes qui penseront que « la guerre a désigné à la ven- geance des peuples les classes dirigeantes », et qui frissonnent d'espoir « quand retentit au loin, dans la forêt, la hache de Lénine et de Trotsky, les bûcherons héroïques. » (Comprenez bien où sont les arbres et numérotez vos membres).

Nous voilà à peu près fixés. Ce Maxime, le héros du livre, le pur, le Poilu antimilitariste selon le cœur de M. Rolland, c'est simplement un pauvre diable d'anarchiste spontané, un liquéfié, un faible. Ces sentiments de haine que Maxime éprouve au sortir d'une pâtisserie, ils faisaient bien, avouons^le, l'ordinaire moral des permissionnaires. Il était naturel de les éprouver, et on les éprouvait parce qu'on était homme — homo — mais on les dominait parce qu'on était un homme, — vir, — tout comme on peut et doit dominer aujourd'hui les passions de petite ven- geance et la haine rageuse du vaincu qui survivent à la victoire et nous composent parfois un visage sans beauté. Un peu de ré- flexion et d'effort nous amenait à comprendre que les profiteurs de la guerre n'étaient pas après tout nos ennemis, puisqu'ils assu- raient le ravitaillement national et l'armement militaire beaucoup mieux que ne l'eût fait un triumvirat du désintéressement com- posé de Caton, de Calvin et de M. Rolland. C'étaient des canailles, d'accord, tandis que les soldats allemands étaient autant que les nôtres de braves soldats et de bons pères de famille. Espérons que chacun d'eux recevra dans l'autre monde ce qui lui est dû (la! distinction de M. Barrés entre notre Dieu qui est celui de saint Louis et Unser Gott qui est Odin entre

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