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76 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

et national, a donné d'assez bons effets, puisqu'elle a empêche la France de disparaître, et une âme individuelle, que je connais contme parfaitement réelle, d'être engloutie dans un goutîVo que je ne sais guère comment appeler, car je n'y vois qu'un trou. Si cette mobilisation devait survivre à la guerre, s'il fallait prendre au sérieux plus que M. Maurras lui-même la préface qu'il écrivait à un livre de Stendhal et que j'ai commentée ici, on pourrait et on devrait également prendre au sérieux le péril signalé par M. Rolland. Je ne veux même pas dire qu'il ne doive pas être pris, en effet, aujourd'hui au sérieux. Nous avons à continuer de démobiliser l'âme individuelle, moyen de progrès, ouvrière de nos biens moraux. Et un individualisme comme celui de M, Rolland, qui pendant la guerre aurait pu faire beaucoup de mal et qui en tout cas n'a fait aucun bien, est dès lors appelé à rendre des services.

Il devrait, je crois, rendre des services à la fois par son exemple et à ses dépens. Cest en toi qu'est l'onnemi, dit Clé- rambault à son assassin. Nous avons tous un ennemi intérieur, et, quand nous l'avons vaincu, on peut dire en un sens, le sens tout moral, que nous n'avons plus d'ennemis. L'ennemi inté- rieur de Clérambault, l'ennemi intérieur de M. Rolland, et, je crois, l'ennemi intérieur de nous tous tant que nous sommes, nationalistes ou internationalistes, il me paraît que c'est aujour- d'hui la facilité. Nous avons une tendance à croire que penser consiste à rouler sur une pente, à s'y sentir voluptueusement rouler, au lieu que penser consiste au contraire à remonter une pente, à découvrir des complexités et des difficultés. La conscience libre dont M. Rolland a fait l'histoire, celle de l'auteur peut-être, celle de son héros sûrement, se développent dans une facilité romantique. Evidemment M. Rolland a voulu donner l'im- pression contraire : Clérambault se soustrait peu à peu, par une lutte pénible, à l'automatisme et à l'animalité de la foule où il était pris, mais cette crise, qui est représentée de façon som- maire et sans analyse bien aiguë, ne lui donne nullement une intelligence critique, elle le fait passer d'un fanatisme à un autre. Je sais bien que cette intelligence critique M. Rolland la personnifie dans un autre de ses personnages, Perrotin, qui est donné pour un pleutre : mais les couleurs dont il le peint sont la preuve que M. Rolland déclasse absolument cette valeur au

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