Page:NRF 17.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LES AVENTURES DE TÈLÉMAQUE

(FRAGMENT)

��Calypso comme un coquillage au bord de k mer répétait inconsolablement le nom d'Ulysse à l'écume qui emporte les navires. Dans sa douleur elle s'oubliait immortelle. Les mouettes qui la sers-aient s'envolaient à son approche de peur d'être consumées par le feu de ses lamentations. Le rire des prés, le cri des graviers fins, toutes les caresses du paysage rendaient plus cruelles à la déesse l'absence de celui qui les lui avait enseignées. A quoi bon porter ses regards à l'infini, si l'on n'y doit rencontrer que les plaines amères du désespoir ? En vain les rivages de l'île fleuris- saient-ils au passage de leur souveraine, elle ne prêtait attention qu'au cours stupide des marées.

Un bateau vint opportunément se briser aux pieds de Calypso. Il en sortit deux abstractions. La première n'avait pas vingt ans et ressemblait si parfaitement à Ulysse que les branches mêmes des arbustes, à la manière dont il les plia, reconnurent Télémaque, son fils, qui n'avait en- core courbé aucune femme dans ses bras. La seconde entité n'était compréhensible ni pour le sable des allées, ni pour la déesse désolée, ni pour le printemps éternel qui régnait sur ces contrées fabuleuses : on ne pouvait reconnaître Mi- nerve sous les traits du vieillard Mentor, fût-on nymphe ou divinité plus haute.

Cependant Calypso retrouvait avec joie son amant fugitif en ce jeune naufragé qui s'avançait vers elle. Connaître déjà ce corps qu'elle apercevait pour la première fois la

�� �