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RESPONSABILITÉS 1 77

l'heure s'est fermée comme un obturateur photographique et la conscience de Ridai est pleine d'une attente : les cris. Accident — cris. Pas de cris, pas d'accident. L'association paraît inéluctable et la conclusion définitive. Pourtant l'instinct s'est trompé et la certitude de la catastrophe lui vient d'un autre côté : un silence très net s'est fait dans la région où le petit bruit inquiétant s'est tu un instant auparavant. Deux impulsions irréfléchies : aller voir — ne pas courir. L'attention soutenue de son expression se tra- duit en geste : il part à grands pas avec une précipitation contenue.

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��Une lourde charpente métallique en montage, dont le câble a claqué, bascule lentement sur une fourmilière de maçons aux gestes menus. Au premier heurt du fer contre un mur, le cliquettement multiple des truelles s'inter- rompt et tous les hommes ont le même réflexe : tête levée vers le bruit — pause : la conscience enregistre le danger — détente brusque du corps hors d'atteinte. Un seul pourtant affolé se jette au devant de la chute, et la poutre l'atteint, le dos rond et les mains croisées derrière la nuque, et l'étend sous elle.

Avant que le bruit ait cessé les hommes ont bondi ; l'urgence d'agir leur donne une volonté commune et coordonnée qui règle leurs mouvements et distribue leurs rôles sans confusion pour le travail complexe qu'ils ont à faire. Quatre hommes déroulent le câble du treuil tandis qu'Ansar et Reynaud cueillent des élingues aux échafau- dages des maçons et les nouent bout à bout pour en faire une corde. Et pendant que Reynaud, grimpé au mât, au- dessous du moufle qui balance encore, laisse descendre sa corde pour amener à lui le bout du câble, d'autres trient des bouts de madriers pour caler la charpente au-dessus du blessé quand elle se soulèvera. Le reste regarde en silence, attendant le moment d'agir... Ansar a saisi l'extrémité du

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