Page:NRF 17.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

2l8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

par sa hauteur irréductible que celui-ci la quitte. Peu après, il meurt. Valérie demeure hantée par le souvenir de la volupté. Dans la solitude orgueilleuse où elle vit, rien ne peut la dis- traire de cette pensée. Ce qu'elle ressent n'est pas le désir vague de l'amour, mais un véritable tourment physique. Lorsqu'elle se trouve en présence d'un homme, elle découvre aussitôtchez lui quelque amorce du plaisir. Ainsi, un prêtre, paysan vigoureux, vrai Hercule en soutane, vient la voir. Pendant l'entretien, l'at- tention de Valérie est attirée par son cou de taureau et par une touffe de poils qui apparaît au-dessus du rabbat. Un trouble bestial s'empare d'elle. Elle s'approche de l'ecclésiastique et s'oublie jusqu'à presque lui avouer son désir. Puis, c'est une autre convoitise. LeNasou, sorte de faraud de campagne, trapu, pour\'u d'un nez énorme — d'où son nom — exerce sur Valérie un attrait violent. Elle recherche cet homme, le frôle, passe ses journées à l'épier dans les champs, rêvant au nez mionstrueux.

Cependant ces désirs sont combattus par l'orgueil de Valérie et toujours dominés. Elle ne succombe à aucune tentation. Mais cette répression l'exaspère. Bientôt son tempérament con- trarié trouble ses facultés intellectuelles. Elle en vient à haïr l'être masculin dont la privation la torture. Elle ordonne, au- tour d'elle, que l'on tue les coqs, que l'on se débarrasse du bélier, du mâtin. Enfin, après bien des années, cette pénible lutte emporte l'esprit de la malheureuse. Et les dernières pages nous montrent Mademoiselle de la Ralphie dans un asile d'alié- nés, femelle hideuse cherchant à saisir son gardien à travers les barreaux du cabanon.

On peut juger combien le sujet de ce livre est singulier. La façon dont il est traité ne l'est pas moins. Le lecteur va de sur- prise en surprise. Au début, on croit à un roman de moeurs provinciales, finement observées, un peu lent. Puis, la figure de Damase, ses aventures, sa mort au cours de la conquête de l'Algérie, et aussi certaines ressemblances entre Valérie et made- moiselle de la Môle, constituent comme une échappée roman- tique. Enfin, la partie où se trouve révélée la nature de Valérie se rattache par sa franchise au roman réaliste. Certaines scènes ont beaucoup- de relief, notamment celle digne de Barbey d'Au- revill}', où l'on voit le prêtre se débattre contre les séductions de Valérie : « Une sorte de crainte purement humaine se mêlait à

�� �