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NOTES 249

besoin de forme que j'avais avant la guerre ne fait que se renfor- cer ici... Ma haine va grandissant de ce qui n'est que dû au hasard, fabriqué arbitraire — de ce qui est négatif, bavard et répandu, périphérique au lieu d'être central, de tout le remous romantique opposé à ce qui est construit et fondé organique- ment... Partout l'informe m'est contraire, que ce soit dans les plus petits détails de l'existence quotidienne ou dans les domaines les plus élevés... »

De là son amour de la Grèce, et peut-être son goût si pro- noncé de l'art militaire. « C'est un délice incomparable de se replonger dans les flots cristallins de l'Hellade éternellement aimée », écrit-il après une lecture d'Homère, lors d'une permis- sion durant la guerre. « Seule la forme est belle, donc réjouis- sante et bonne. »

Par la volonté de ne pas s'attarder au passé, par l'absence de tout découragement romantique, de tout regret stérile, de toute lamentation lyrique, par le peu de cas qu'il fait de la destinée individuelle, alors que pourtant l'individu lui paraît par-dessus tout important, par un optimisme non point béat mais plein de hardiesse, Otto Braun est exactement de sa génération, de ceux qui naquirent très près du changement de siècle. La jeunesse activiste de l'Europe nouvelle peut le réclamer comme un des siens, — cette jeunesse qui veut agir et créer, qui accepte la réalité et ce principe de « l'amor fati » par où Nietzsche sort victorieusement du romantisme.

Cependant à ne le comparer qu'avec de jeunes Français d'un niveau approchant, nous lui trouverons je ne sais quel sérieux un peu trop soutenu, quelque noblesse dont nulle plaisanterie ne tempère jamais le port un peu monotone, quelque chose d'ap- pliqué, excluant le jeu divin de l'entière gratuité.

Question de tempérament national — et aussi d'une langue qu'aucune société élégante dans le passé n'acriblée et dépouillée. Ceci, tout comme les fréquentes préoccupations métaphysiques, le souci de tout rapporter à un suprasensible qui ne serait pour- tant ni mystique ni chrétien, le fait bien de son pays, sans rien enlever d'ailleurs du sens si sage et si psychologique qu'il a de la vie. « Un homme », dit-il peu de mois avant sa mort, « ne vaut ni par ses paroles, ni par ses actes, ni même par ses oeuvres, mais uniquement par ce qu'il est, au fond et dans son

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