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526 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

il n'y a pas de doute. Pourquoi cela ne se passe-t-il pas plus souvent ? « Je n'ai eu que des brunes pour amies, de ces femmes qui ont toujours l'air d'être à l'ombre, comme les sources. A l'école j'avais Greta Kromer, au Conserva- toire Rosele Ma3^er ; ensuite il y a eu Carmela Savini, et j'ai pensé mourir quand Maria Ferrero m'a quittée. » Pauvre cœur d'Inga ! depuis ses douze ou treize ans occupé par ces amitiés passionnées, torturé par les jalousies, les fureurs, les délices, les lâchetés, les triomphes, les aban- dons. Ses lettres, ses bouquets fanés, ses rubans, un grand tiroir, chez elle, plein d'éventails brisés, et les boucles de cheveux bruns ou noirs dans les médaillons ternis. Nulle place pour autre chose, dans ce cher cœur d'Inga. Des aventures, oui, mais c'est leur profession qui l'exige. Les jeunes patriciens, accablés par le vin et le sommeil, tom- bant confusément sur les coussins avec les joueuses de flûte, à la fin des festins ; et même dans cette ivresse et ce trouble, les yeux et les mains des petites se cherchent encore. Et pour elle, les vraies aventures, celles qui comptent, sont celles-là : « C'est toute ma vie. Je ne compte pas les années; je dis : C'est quand j'avais Savini; ou : C'était au moment où j'ai connu Ferrero. Ah ! et quels jolis souvenirs j'ai déjà !.. » Oui; mais Finja ? est-ce, aussi, un joli souvenir pour elle ? Si douce elle a été et si gaie ces jours-là. C'est depuis ce temps qu'elle m'a toujours appelé Felice Francia ; avant j'étais simplement un des amis et admirateurs. Si douce, si gaie, et si bonne. Comme je m'ennu3'ais, seul dans ce pa3'-s dont je ne savais pas la langue. Alors je lui ai écrit, sachant qu'elle était en vacances dans sa famille, et elle est venue. C'était si drôle et si gentil de la retrouver sur le quai d'une gare de son propre pays. Et ce jour où, après avoir dormi, nous ne savions plus si c'était le matin ou le soir. Ce rayon rouge entre les troncs des sapins pouvait si bien être un premier rayon. La petite servante qu'elle a interrogée, et j'écoutais sans comprendre, et elle traduisait pour moi. O douce comme ton pays ! les lacs

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