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AMANTS, HEUREUX AMANTS... 543

dirons tous trois en mêmç temps : Addio, cari villani ! La première fois, c'était pour nous empêcher d'être tristes à l'instant de la séparation, après le retour de Finja. Addio, cari... C'est curieux, les plaisanteries d'Inga et de ses gran- des amies, de ces Femmes Damnées : de petites plaisan- teries de religieuses, de « bonnes sœurs ». A notre avant- dernière réunion, dans cette grande ville pleine d'appels joyeux, de fleurs et de parfums, chaque matin je répétais plu- sieurs fois : Je vais me lever. Alors elle disait : Tu vas te lœv^-er ? tu vas devenir un lion ! Oh, j'ai peur, tu vas me dévo- rer. Et elle riait, comme si ce jeu de mots était extrêmement drôle. Ah, oui : la petite fille en elle. C'était bon aussi, ces matins-là. L'été. Les grandes avenues bien ombragées, lar- ges, toutes pleines de l'été et d'une belle vie lente et heu- reuse. On en voyait trois de nos fenêtres. Encore une ville où nous ne connaissions personne, et qui était comme un grand jouet qu'on nous avait donné;, pour nous récom- penser d'être si sages ; et pas de théâtre, pour elle : les vacances. Trop tard à présent pour aller faire un tour au Jardin Botanique. Mais n'importe quoi plutôt que de ren- trer à l'hôtel. Et ce n'est même pas la peine d'y passer : au courrier du soir il n'y a que les lettres de la région. Non, même pas pour dîner. Après, forcément, je retrouverai cette porte fermée, comme elle l'était avant leur visite. Remonter jusqu'au Peyrou par la rue Maguelone, la Loge et la rue Nationale : au bout il y aura un beau ciel sombre sur les collines blanches. Voici donc la solitude qui recom- mence. Plusieurs mois de silence ; car même pour deman- der du pain je peux faire un signe. La nuit était déjà ins- tallée sous le feuillage du liquidambardu Jardin Planchon. Ses branches pareilles à des fouets, à des lanières arrêtées en plein élan. Elles sont parties. Elles sont parties. Et je me retrouve, et je n'ai pas le plaisir que j'en attendais. Je n'ai pas le plaisir de me reconnaître. (Oh, que c'est mauvais.) Il faudra donc toujours qu'après les adieux j'éprouve ce sen- timent d'un manque, ce serrement de cœur ? Mais j'ai

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