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CÉSAIRE 583

s'engourdissent. Ils n'ont plus besoin de pieds. Ils n'ont plus besoin de mains pour se retenir aux filins. Ils n'ont plus qu'à laisser le vent s'engouffrer dans leur plumage et les soulever... » Ah, il ne desserrait pas les doigts ; il se cramponnait de toutes ses forces... Mais, à un moment... il lui a fallu tâter d'une de ses mains la forme de son bras et de ses cuisses ! et j'ai compris que son esprit ne se défen- dait déjà presque plus, qu'il serait bientôt mûr à point !

(Un silence).

Benoit. — Tu l'as jeté à bas de la vergue ! CÉSAIRE. — Tout l'équipage de VOrion m'est témoin que j'étais tranquillement à l'arrière où je triais des bouts de filin quand il est venu se fracasser au milieu du pont. (^A La;^are) Eh bien, toi, là-bas, on ne mange pas ?

(Laiare remplit les trois écuelles, mais seul Césaire est assis à la table. La\are mange debout. Benoît, morne, reste à l'écart.)

CÉSAIRE. — Alors ?... le travail ?...

Lazare, d'abord très timidement, mais retrouvant son enjoue- ment peu à peu. — Quand j'ai voulu te l'expliquer... tu m'as coupé la parole.

CÉSAIRE. — Parce que ce n'est pas ce que je te demandais.

Lazare. — Tues donc un roi ? {Voyant que Césaire m bondit pas, il reprend plus crânement ;) Quand c'est l'heure de marée, chacun à son tour surveille les filets, sans quoi ils se détachent, ou bien les bois flottants les déchirent. Aux eaux basses, on se met tous à hâler sur les cordes.

Césaire. — A qui le tour ce soir ?

Lazare. — En vérité, je crois bien que ce serait ton tour. Mais on t'en dispense, vu la nuit, par égard pour le matériel.

Césaire. — Alors c'est toi qui veilles ?

(Signe de Lazare).

Benoit, brusquement. — Je t'accompagne. Césaire. — Tu as donc bien peur ?... Je croyais que tu supportais la plaisanterie mieux qu'Yvon.

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