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728 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

élégante et oisive et même un peu noceuse. Un homme, une femme se rencontrent, se plaisent, s'aiment et deviennent amants. De la part de Claudine comme de la part de Vétheuil, c'est le grand amour, tempéré à la surface par les obligations mondaines et par ce fait que Claudine a à ménager un vieil amant, beaucoup plus âgé qu'elle, de qui elle a une fîUe et dont la for- tune lui assure son existence luxueuse. Ce grand amour va sans encombres pendant huit mois. Puis, se refusant à tromper le vieil amant dont il est devenu l'ami, Vétheuil met Claudine en demeure de tout quitter pour partir avec lui, ou de rompre leur liaison. C'est à cette seconde alternative qu'ils se résignent. Nous les voyons dans la scène de leur séparation définitive, sur la terrasse de Pallanza, devant un paysage mer\'eilleux, dont la beauté et la mélancolie s'accordent avec ce moment si déchirant pour eux. Vétheuil est toujours résolu. Claudine hésite encore, partagée entre son amour et l'idée de la souffrance qu'elle cau- serait à son vieil amant en suivant Vétheuil et en lui découvrant ainsi la vérité. Enfin, elle se résigne. Vétheuil partira. Tout sera fini. Tous deux se grisent de la grandeur de leur sacrifice. Il semble qu'ils offrent en exemple les amants qu'ils auront été, préférant renoncer à leur amour plutôt que de le souiller par la trahison et le partage et plutôt que de le conserver en faisant souffrir autrui. Vétheuil part et Claudine s'écroule avec les cris d'une femme à laquelle on arrache l'âme. Nous les retrou- vons tous les deux deux ans après, dans une fête mondaine. Vétheuil, retour d'un grand voyage, va se marier. Clau- dine, de son côté, va épouser son vieil amant. Ils se don- nent mutuellement la nouvelle en toute cordialité, comme deux amis qui se sont vus il y a huit jours, sans le moindre tremblement dans la voix, la moindre hésitation. Dirait-on qu'ils ont été l'un pour l'autre toute la tendresse et tout l'amour? Ils en parlent pourtant, de cette tendresse et de cet amour. Ils cher- chent le temps qu'ils ont duré. Huit mois ! Il semble qu'ils se rendent compte pour la première fois de cette longue durée et en aient quelque surprise. Ils échangent quelques souvenirs. Ils rappellent cette terrasse de Pallanza et ce paysage merveil- leux, témoin de leurs derniers baisers, de leurs adieux, de leur cruel renoncement. Etions-nous assez fous ! semble-t-il qu'ils se disent chacun intérieurement. Ils se l'avouent d'ailleurs à demi-

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