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NOTES 243

ce titre, Kipling et Shaw ne sont pas des écrivains anglais, et M. Nicoison lui-même, qui est né en Perse... Et quoi qu'en dise l'auteur, nous n'avons pas laissé à Arthur Symons le soin de nous révéler V'erlaine.

Nous pardonnerons à M. Nicoison car il est taquin, un peu superficiel, plein d'esprit, en somme l'un des nôtres. Je veux traduire cette amusante page de critique du caractère français, par laquelle s'ouvre le dernier chapitre de son livre :

« De toutes les races civilisées, k race française est peut-être la plus douée, de même qu'elle en est certainement la plus charmante. Mais les Français ont un défaut capital : ils n'ont pas le sens de l'infini. Ils possèdent en vérité toutes les qualités de l'âme et de l'intelligence, mais de façon si vive, si consciente, si précise qu'il ne leur re'^te plus aucune marge pour se déployer. Pas de gradation. Aussi voit-on le Français avoir du patriotisme mais pas d'esprit public ; de la perspica- cité mais pas de larges vues ; de l'esprit mais pas d'humour ; de la personnalité mais pas d'individualisme ; de la discipline mais pas d'ordre... Il n'a pas cette intuition joyeuse et gaffeuse des Anglais... Dans les questions pratiques et objectives, comme la guerre euro- péenne, cette adaptabilité particulière du génie français joue admirable- ment. Quand il s'agit de questions subjectives, comme la littérature ou la politique, les Français ont des tendances à la convention et aux vues courtes... Le génie français s'élève alors comme un glacier, arro- gant, lucide et froid. L'esprit français est architectural, méfiant, cir- conspect, équilibré, absorbé par des soucis de proportions, de stabilité et du sens de l'article qu'il tient en main. Il répudie l'improvisé. Il veut, non seulement savoir où va le créateur mais être bien sûr que le créateur est lui-même conscient de ses propres tendances... De tout ceci naît cette rigide discipline sous l'empire de laquelle la littérature française prospère et se multiplie... »

Il fallait citer cette page d'analyse brillante et un peu rèche qui est bien dans la manière de M. Nicoison, avant de lui tendre les mains, comme font les Français.

PAUL MORAND

LE FILS DE LA SERVANTE, par Auguste Strindherg, traduit par M. Camille Pollak (Leroux).

Jamais deux sans trois. Après Ma Vie d'Enfant de Gorki et Ainsi va toute chair de Butler, après une enfance russe et une

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