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306 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pétrir, ni enfourner ni défourner, et qu'il s'était dégoûté, au bout d'un mois, d'imposer ce travail éreintant à sa femme, il se résignait au café et au pain blanc. L'enfant lui trempait une soupe dans son bol : il péchait la croûte et la mie spongieuses ; puis, avec lenteur, et serrant les lèvres, il arrivait à manger presque proprement.

La grand'mère souriait, elle baissait les paupières sur un peu d'eau qui ne coulait pas de ses yeux. Ils ne se sen- taient pas seuls. Quelqu'un, une Pensée, une Force, accompagnait continuellement le vieillard. A le regarder, on comprenait bien qu'on voyait un être déjà différent de l'homme.

Puis la vieille femme s'en allait. Elle avait pensé d'abord vendre les champs de son mari ; mais les héritiers des deux lits s'y étant opposés, elle occupait dessus des ouvriers qu'elle surveillait et qu'elle aidait, aussi dure et sèche qu'eux-mêmes. Par les gros temps, elle cousait ou lessivait au bourg. ?.\.

S'il faisait beau, Eugénie installait son grand'père sur le banc qui vacillait soutenu par quatre bâtons auprès de la porte. Elle balayait le carrelage, elles essuyait les meubles.

S'il ventait ou s'il pleuvait, ils demeuraient à se chauffer dans la poussière et la fumée. Ils ne parlaient presque pas. C'était la plus mauvaise heure. Le coucou sonnait quand il le jugeait nécessaire. C'était une occupation que d'obser- ver, le long du mur mal peint, la descente des pois rouil- leux et de leur ombre. La pluie trempait la mousse des tuiles comme une éponge; des gouttes qui tombaient par la cheminée formaient, sous le pot de la crémaillère, de gi^osses boulettes de cendre. Les rafales, derrière la grange, brutalisaient les vieux pommiers. De temps en temps, la vache mugissait ou donnait un coup de pied au mur. Le fumier, la suie, la terre, Therbe enveloppaient la maison dans leurs odeurs comme dans un brouillard successive- ment aigre et fade.

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