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3l6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

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��Après l'enterrement, selon Tusage, et quoique les enfants du mort, soucieux delà succession, ne dussent pas repartir tout de suite, on fit un festin.

La grand'mère servait, avec une vieille femme du village qu'on employait, à cause de son adresse et de sa piété, à ensevelir les morts. Eugénie avait disparu parmi ses cousins et ses cousines. La table était longue, allant de la cheminée à la porte de la seconde chambre : et tous ces gens du Nord, du Midi, de Paris, ramenés par le deuil seul à leur source, se regardaient et regardaient leurs assiettes en cau- sant de leurs intérêts et parfois de leur père.

Presque tous se montraient hostiles à la veuve. Ses pro- pres enfants la défendaient tout juste. Les uns, arguant de la présence d'une mineure, voulaient qu'on vendît aussitôt la ferme et les champs ; les autres, énumérant les qualités de leur mère, qu'on lui laissât l'usufruit.

Un compliment plus maladroit que les autres fit se dres- ser le corsage noir de la Benjamine.

— Parlons-en ! siffla-t-elle. On ne nous a même pas prévenus que le père était malade !

Il y eut une rumeur, approbations et protestations mé- langées.

— Personne n'était là, poursuivait-elle et le pauvre homme est mort tout seul comme un chien !

— Il y avait moi, dit Eugénie, de sa voix nette.

— Ce n'était pas ta place ! s'écria la jeune femme. Ce n'est pas la place des enfants.

La rumeur s'enfla ; les uns parlaient de l'hospice et des convenances ; les autres de cruauté, de dignité ; la majorité devenait impitoyable.

— Bah, chuchota l'ensevelisseuse, les morts sont moins

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