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336 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

naturel, senti, humain, et qui ne vient pas. Les artistes de la Comédie font leur possible. Mademoiselle Pierat débite avec la plus grande aisance des tirades de mauvais livre qui la feraient moquer à la ville. M. Alexandre, froid et raisonneur, et qui explique à sa femme l’adultère comme un problème à résoudre, y met plus de réserve. Seul M. Hervé, qui est bien laid, semble trouver son rôle très beau et y dépense un grand enthousiasme de voix, de bras et de jambes.

Le Théâtre de l’Œuvre a joué une pièce d’un tout jeune auteur, M. Jacques Natanson : L’âge heureux. C’est encore une pièce sur l’amour, mais pris du point de vue de la rouerie, du calcul, des essais successifs, des leçons qu’on prend en passant de l’une à l’autre, de l’expérience amoureuse qu’on acquiert ainsi, et tout cela chez de très jeunes gens qui sortent du collège et considèrent l’amour comme un problème d’algèbre. Chose étonnante et méritoire : ces personnages s’expriment avec les mots les plus naturels, alors qu’on aurait pu craindre dans leur langage les mêmes complications que dans leurs sentiments ou ce qui leur en tient lieu. Cette pièce, qui met en scène de tout jeunes gens, est jouée par de tout jeunes gens qui ont tous du talent et sont sur la scène comme chez eux.

Une jeune association dramatique s’est formée. C’est la Compagnie d’auditions dramatiques, à la tête de laquelle est Mme Jane Hugard. Elle a donné sa première audition avec La Ronde, de ’écrivain autrichien Arthur Schnitzler. Il paraît que cette Ronde a un grand succès en Allemagne, où elle est jouée dans un ton et avec une mise en scène extrêmement appropriés au sujet. Elle se compose de dix tableaux, qui sont en réalité toujours le même : l’acte sexuel, accompli par des personnages différents au point de vue social. Nous voyons ainsi dans cette opération le soldat, le jeune homme, l’époux, le poète, le comte, avec la prostituée, la bonne, la jeune femme, le trottin, l’actrice, etc., etc. A dire vrai, c’est peu intéressant, et vraiment un peu trop purement animal. Voir dix fois de suite la lumière s’éteindre parce qu’un individu, quelqu’il soit, passe des paroles à l’acte, et, celui-ci accompli, se remet aussitôt à penser à ses affaires... Cela ne nous apprend rien et ne nous montre rien de bien piquant. L’interprétation, composée de tout jeunes amaieurs, méritait la plus grande indulgence. Seul, M. Jean Cassou, dans