Page:NRF 18.djvu/343

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CHRONIQUE DRAMATIQUE 337

le personnage de l’Epoux, qui paraît dans deux tableaux, savait parfaitement son rôle, et y a montré beaucoup d’aisance et de naturel. M. Jean Cassou est le rédacteur de la rubrique des Lettres espagnoles au Mercure de France. Il a également publié, dans des revues, quelques vers et quelques pages de critique littéraire. Il est jeune et on ne saurait dire ce que tout cela donnera. Mais son jeu, l’autre soir, son naturel, l’aisance qu’il a eue sur la scène, et d’autant plus qu’il jouait couché dans un lit, ce qui ne lui facilitait pas sa tâche, montrent chez lui de grandes qualités pour le théâtre. A son âge, il est encore temps de changer de voie.

M. Tristan Bernard a fait jouer au Théâtre Marigny une nouvelle comédie : My love : mon amour. J’ai été empêché d’aller la voir. M. J. W. Bienstock, mon excellent ami, qui est venu tout exprès de Russie pour juger le théâtre français, m’en a dit son avis pour me consoler : « Vous ne perdez rien, m’a-t-il assuré. C’est très mauvais, ennuyeux... » Il faisait une moue en disant cela!... « Vous devez exagérer, lui dis-je. M. Tristan Bernard a pourtant de l’esprit. Une pièce de lui... — Il a peut- être eu de l’esprit, me répliqua M. J. W. Bienstock. Mais c’est fini. Il vieillit, il baisse .. » Je le revois il y a deux jours. « Eh bien ! avez-vous vu My love ? » me demande-t-il encore. Je lui lui réponds : Non. « C’est une niaiserie, me dit-il alors, une niaiserie sans aucun esprit. » J’ai voulu être fixé pour de bon et j’ai envoyé à Marigny un ami qui avait envie d’aller au théâtre, en le priant de me donner un petit compte-rendu. Le voici :

« Sur un canevas qui a servi à de nombreux romanciers, M. Tristan Bernard a brodé une comédie. S’il existe des formulaires du notariat, on y trouve certainement des modèles de testaments pour vieux monsieur qui trompa autrefois un ami et se trouva ainsi père d’une fille. Dix-huit ou vingt ans après, ce monsieur, — qui toujours est millionnaire, — se sentant près de la tombe, fait un testament qui oblige son principal héritier à épouser la bâtarde : condition sine qua non. Mais le vieux monsieur a des héritiers directs et naturels qui comptent sur l’hoirie et l’ont même déjà escomptée. Naturellement, ces hoirs directs n’acceptent pas de gaieté de cœur les dernières volontés du podagre de cujus et cherchent à provoquer l’application