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duit ; avec application, il achève lui-même les derniers tours, et sitôt le bout du lien tranché, il s’empare de son bien, sans une parole, et court vers la mer. Alors seulement Vernois peut se présenter :

— Le général de Pontaubault que j’ai eu l’honneur d’avoir pour chef…

Elle l’interrompt gaiement :

— Mon oncle est impardonnable… Croiriez-vous qu’il m’avait fait peur de vous, au point que je l’avais supplié de ne pas vous amener chez moi.

— Et moi, Madame, j’avais décliné son invitation, tant il avait trouvé moyen de m’impatienter par ses théories. Je ne le regrette pas, puisque votre fils a si gentiment réparé ma faute. Nous sommes, lui et moi, de grands amis depuis deux jours.

Les louanges qu’on fait de ses garçons touchent Clymène en un point si sensible qu’elle rougit et feint de ne pas les avoir entendues.

— Qu’est-ce que mon pauvre oncle avait bien pu vous dire ?

— Oh, rien qui ne fût tout naturel. La guerre n’est dans sa vie qu’un grand incident où il a pu donner la mesure de son énergie. Ces années n’ont rien commencé pour lui, rien interrompu. J’admire les hommes qui ont une assiette aussi ferme, mais je ne puis faire qu’ils ne me révoltent un peu.

À la manière dont on l’écoute, il sent qu’il peut continuer, car il hait les explications incomplètes :

— C’est paradoxal à dire, mais l’obstacle qui nous sépare de tous ceux qui n’ont pas mené la vie de soldats, eh bien, il me semblait le sentir hier soir entre le général et moi. D’où cela vient-il ? Cet homme qui fut pour nous l’esprit même de la guerre, il raisonnait d’une manière aussi déroutante que ces gens de l’arrière qui ne sont pas sortis de leur maison et de leurs habitudes. Nous parlions justement de mon camarade Heuland. Je m’étonnais qu’il l’eût si mal