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LE CAMARADE INFIDÈLE 445

��IV

��Dès le seuil clu' salon, Vernois reçoit le naïf aveu de Cly- mène :

— J'étais résolue à ne pas m'inquiéter avant six heures ; mais vous voyez qu'à trois je commençais à désespérer. Est-ce mon oncle que vous avez rencontré ou si vous êtes tombé sur Antoine qui vous guette à l'entrée de la digue ? Pardonnez-moi mon inconséquence ; mais j'ai pris peur, car rien ne pouvait vous faire deviner quelle importance avait pour moi ce que vous m'avez dit ce matin sur la plage.

Elle l'entraîne vers une embrasure où, sur une petite table, quelques photographies sont disposées. Le rien de solennité que présente cet accueil enlève à Vernois l'ai- sance qu'il éprouvait dans la rencontre inattendue de la matinée ; aussi va-t-il droit aux portraits. li en reconnaît un qu'il a vu prendre, à l'entrée d'un abri, dans un village où sa brigade était au repos. Les autres datent d'avant la guerre ; c'est ceux-là qu'il regarde particulièrement. D'abord celui d'Heuland assis dans l'herbe, un de ses garçons sur les épaules, les deux autres sur ses genoux ; puis sa photogra- phie en équipement de chasse, le fusil à la bretelle, un bro- cart abattu à ses pieds. Est-ce le sourire avantageux, est-ce quelque chose d'un peu bouffi qui le surprend dans ce visage et qui s'accorde mal avec ses souvenirs ? Il cherche le regard... celui de l'homme qui feignait dene pas entendre et qui s'en allait rattacher son chien.

— Vous voyez, dit Clymène, tous ses portraits res- pirent le bonheur.

En effet, c'est partout le même sourire, qui bride un peu les yeux et empêche d'en surprendre l'accent.

— Le plus vrai, c'est encore celui-ci, dit Vernois dési- gnant l'officier adossé au bloc de béton.

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