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488 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

et son égoïsme de célibataire trouve-t-i) des accents dignes d'un arbre inspiré.

... Mais Chêne d'Abraham autant que de Virgile,

Je gardais dans mon sein, en étendant sur eux mon ombre comme une île,

et le nid et Tessaim.

Il eût été pénible d'entendre Philomèle mêler sa voix à ce concert d'aigres rancunes offert à La Fontaine en guise de messe commémorative. M. Francis Jammes a voulu nous épargner cet ennui. Apollon l'en a récompensé :

Dans Vallée ou Diane an port Jarouche et fur

De son arbre pareil au flocon de la nier

Blanchit V ombre indécise... .. y égrené h collier des perles de la brise. Mais je ne fais cela qu'avec timidité. Car Jupin me chargea, le printemps et Tété, Lorsque la nuit endort tes chants, â La Fontaine, De les continuer sous la lune sereine I

Ces vers sont jolis, mais leur genre d'agrément n'est pas celui qui appartenait en propre à M. Francis Jammes. La gra- cieuse gaucherie qui faisait le charme de sa muse irrégulière le cède à des beautés plus froides, mais non plus classiques. D'oii l'on peut déduire ceci : que le vers libre fut souvent un moyen bien commode pour atteindre le sublime ou la naïveté.

La Fontaine touché par la grâce eût changé de sujets, non de style poétique. Il fallut sa mort pour que l'on s'avisât du cilice qu'il portait sous ses vêtements.

Si l'on veut visiter en esprit son monument, que ce soit plutôt avec Diderot, qui eût voulu se rendre, une fois l'an, « dans un lieu toujours sacré pour les poètes et les gens d'esprit ». Et il ajoutait : « Ce jour-là, je déchirerai une fable de La Motte, un conte de Vergier et quelques-unes des meilleures pages de Gré- court. »

Revenant parmi nous, Diderot pourrait allonger la liste des victimes expiatoires. Mais je ne risquerai pas, moi chétif, un geste odieux à notre siècle indulgent où la confraternité demeure pour les gens de lettres, la seule vertu profitable,

ROGER ALLARD

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