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492 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

l'anarchie de plein gré disciplinée. Telle est-elle aujourd'hui. Mais son enfance ?

Parce que certains rêves, cris ou sexualités sont inhérents à la nature humaine et qu'une éternelle fatalité en règle le cours et la répétition, l'enfant d'Éiai-Cwil et celui du livre de Rousseau apparaissent, sur tous les points essentiels, les mêmes. Des nuances, je le concède. Outre la coupe des vêtements — le coefficient personnel, la plus ou moins rêveuse sentimentalité, la différence de classe, de siècle et de mode de locomotion. Mais le véritable caractère est identique.

« J'ai écrit ce livre pour me débarrasser de mon enfance. Je la hais. La renie. » Voilà qui laisse quelque doute sur la sincérité •de cette génération. C'est donc une sincérité acquise, puisque ceux qui s'en glorifient ne le peuvent qu'en se reniant eux- mêmes. Elle s'oppose à l'enfance, qui est instinct et vérité. Je crains qu'elle soit surtout une attitude. Je la souhaiterais pro- fonde et durable, car si étrangers que puissent me paraître ces jeux splendides sur des terres nues, je ne laisse d'en être séduit — comme d'un animal vigoureux. Ce serait une fort curieuse expérience. Une régénération, si l'on veut (bien qu'une telle phase implique la mort d'un précédent état). Mais je ne puis m'abstenir de penser que, de tous temps, des jeunes gens ont méprisé, au nom d'un certain modernisme, l'époque écoulée. Et qu'une belle idée est plus riche en émotions et en consé- quences qu'un ballon ovoïde de rugby — peut-être. C'est fort estimable de dédaigner l'art comme il est actuellement de cou- tume. Encore en faudrait-il admettre un minimum. Cela sert d'ailleurs tant à vivre.

Je confesse un certain parti-pris au cours de cette page. J'ai peur de m'être montré injuste à l'égard de M. Drieu la Rochelle, dont le livre mérite toute sympathie. Il serait faux de nier que l'enfant d'Éfat-Civil ait avec le panégyriste du sport de multiples affinités. Il diffère de Sébastien Roch. Ses rêves s'enchantent particulièrement des épopées impériales. Au collège un besoin de domination lui assure la suprématie sur ses camarades. Assez peu tourmenté par l'inquiétude de Dieu, il est volontiers hardi. Pas encore de la volonté, mais de fréquentes impulsions. Un certain manque de tendresse attentive à son berceau l'aguerrit. 11 connaît à peine sa maison natale, ne s'enchaîne pas aux lieux.

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