Page:NRF 18.djvu/667

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vaut mieux s’en référer au document même. Voilà donc ce que lut Tikhon.

« De la part de Stavroguine.

« Moi, Nicolaï Stavroguine, officier en retraite, j’ai passé les années 186... à Pétersbourg en m’adonnant à la débauche dans laquelle je ne trouvais pas de satisfaction. J’eus alors pendant un certain temps trois logements : dans l’un je demeurais moi-même avec une domestique qui faisait mon ménage ; Marie Lébiadkina, aujourd’hui ma femme devant la loi, y habitait également. J’avais loué les deux autres logements pour y recevoir mes maîtresses : dans l’un je recevais une dame qui m’aimait et dans l’autre sa femme de chambre, et mon désir en ce temps-là était de les faire se rencontrer toutes les deux, la dame et la fille, chez moi. Connaissant bien leur caractère, j’augurais beaucoup d’agrément de cette stupide plaisanterie. Afin de préparer à l’aise cette rencontre, je devais me rendre souvent dans un de ces deux appartements, situé dans une vaste maison, rue Gorokhovaia ; c’est là que venait la femme de chambre. J’y occupais chez des petits bourgeois russes, une chambre au quatrième étage. Mes propriétaires en occupaient une autre plus petite, si petite même que la porte qui nous séparait devait toujours rester ouverte ; c’était justement ce que je voulais. Le mari, en long caftan, barbu, travaillait dans un bureau ; il partait le matin et ne revenait que la nuit. La femme, âgée d’une quarantaine d’années, cousait et réparait les vieux habits ; elle sortait souvent vendre et porter son travail chez ses clients. Je restais donc seul avec leur fille, une enfant. On l’appelait Matriocha. La mère l’aimait, mais la battait souvent et criait sur elle comme c’est l’habitude chez ces femmes. Cette petite me servait et faisait ma chambre derrière le paravent. Je déclare avoir oublié le numéro de la maison. Maintenant, renseignements pris, je crois que la vieille maison a été démolie et que sur l’emplacement de deux ou trois maisons anciennes, on en a bâti une nouvelle,