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740 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

clair, à la marche décidée, qui traîne dans tous les quartiers de Paris, fait le gourmet dans des restaurants curieux, court les femmes et commence à prendre du ventre. Son nom n'est-il pas charmant ? Un nom de cirque, un nom de clown. « Hip ! Billy ! » (il faut prononcer sans mouiller les 1, comme dans : balle). Avant de le connaître, je prenais ce nom pour un pseudonyme plein de fantaisie. C'est André Billy qui a com- mencé ma réputation, du temps qu'il rédigeait les Echos à Paris-Midi. Il avait sans cesse des anecdotes à raconter sur mon compte et me prêtait plus d'esprit que je n'en ai réellement. Il a publié plusieurs romans : Béiioni, La Dame à l'arc eu ciel, La Malahée, Ecrit en songe, Barabour ou V Harmonie universelle, un livre sur Paris vieux et neuf illustré par Huard, quelques livres d'observations parisiennes : Scènes de la vie littéraire à Paris, la Guerre des journaux. Voilà plus d'un an que j'attends le petit volume sur Guillaume Apollinaire que doit lui éditer la Sirène. C'est un écrivain vivant, prompt, clair, très obser- vateur. Il ne lui manque qu'une chose, selon m.oi : un peu plus de réflexion et un peu plus d'application. Il se dépêche toujours trop, comme tous les gens de plaisir. Il n'a pas l'air de se douter des avantages qu'on retire de revoir un peu ce qu'on écrit du premier jet et qui fait qu'on améliore toujours un peu. Il tient la critique littéraire à L'Œuvre tir éàigt dt petits articles quotidiens a.u Petit Journal. Il pourrait là soutenir souvent et utilement la cause des animaux et ne le fait jamais, ce qui me fait en secret l'accabler de reproches et lui en vouloir pour son indifférence. Je ne l'avais pas vu depuis plusieurs mois. Il m'aperçut en même temps. Nous nous rejoignîmes et comme je lui demandais où il allait, pour se trouver dans ce quartier, j'appris qu'il allait comme moi au Vieux-Colombier. « Vous prenez un singulier chemin, lui dis-je, car vous lui tournez le dos. — J'ai le temps, me répondit-il. Je flâne un peu. Je regarde chez les antiquaires, s'il n'y a pas quelque vieux meuble... — Comme on voit que vous êtes encore jeune, lui dis-je en riant. Vous pensez encore à acheter des meu- bles. Voilà une pensée que je n'ai plus guère. » Et comme il riait à son tour : « C'est vrai, continuai-je. Je ne me sens guère de goût à faire des achats de ce genre. Il est trop tard. Ma vie aura été ainsi faite que les choses me faisaient envie

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