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NOTES 105

menaçait de l'étouffer. Aujourd'hui qu'elle recommence son éternel travail d'endosmose, quelle part sera rendue à l'influence française ?

Bien petite à en croire certains. Le retentissant article de Curtius dans der Neue Merkur sur les relations intellectuelles de la France et de l'Allemagne, ne fait que traduire la conviction de plus en plus vive chez les intellectuels allemands qu'ils n'ont plus rien à espérer de la France — une France qu'on leur représente sous un jour assez faux — ni même grand' chose à désirer d'elle. Dans la région du Rhin, dit Alfred Weber dans la Neue Rundschau, un abîme s'est creusé entre la France et nous. Et tous de tourner le dos, de s'orienter vers l'Est, vers la Russie, l'Inde, la Chine.

Qu'il y ait pour l'Allemagne un réel intérêt à ce geste, nous n'y contredirons pas. Il est d'ordre économique d'abord. Outre l'abîme du Rhin il y a le mur du change. Et puis il est trop naturel que l'Allemand porté à la métaphysique, avide de se faire une Weltanschauung, une image du monde, en cherche les éléments dans l'univers entier et que la tentative de « mécanisa- tion » dont il fut l'objet l'avant laissé meurtri, il trouve par con- traste une extrême douceur à partager les extases d'un Tagore. Entre le panthéisme hindou et le panthéisme germanique il y a une parenté. Néanmoins ni l'engouement pour les visions d'Extrême-Orient, ni l'indifférence pour la pensée française ne sauraient être durables '. L'Allemand qui toujours se cherche et jamais ne se découvre sentira le danger, sans cesse menaçant pour lui, de se perdre dans l'illimité. Les conceptions françaises avec ce qu'elles ont de fini, d'arrêté, lui sont comme le néces- saire antidote à sa musique. La place faite dans les livres et les revues aux choses de France témoigne assez d'un besoin pro- fond. Encore que ce besoin se donne surtout libre cours dans des revues où l'art se mêle à la littérature, comme die Freude ou das Feuer, encore qu'y soient suivies surtout les manifestations

1. Depuis que ces lignes sont écrites, der Neue Merkur a publié deux articles dont la juxtaposition est suggestive : l'un de Thomas Mann où les relations intellectuelles de la France et de l'Allemagne sont envi- sagées avec le souci du germanisme pur, l'autre de Burschell, disant comme il faut sourire des déclarations d'indifférence à l'égard de l'intel- lectualité française.

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