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l82 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

manifesta sur nos bancs. Moi, je regardai peureusement les vitres sombres, répugnant à ce désordre et à cette sauva- gerie. Le tambour roula. Les élèves se ruèrent vers la porte en criant, et l'un d'eux, je ne sais qui, passant devant Silbermann, le rejeta en arrière, hurlant férocement à sa face :

— Mort aux Juifs.

��III

��Les parents de Silbermann habitaient dans une belle maison nouvellement construite en bordure du Parc de la Muette. L'appartement, situé au dernier étage, était fort grand. Silbermann m'en fit les honneurs, m'arrêtant devant de magnifiques meubles de marqueterie et faisant jouer l'éclairage au-dessus des tableaux. Je n'avais jamais pénétré dans une maison qui contînt tant de richesses. L'impres- sion fut telle, que, des rayons de soleil entrant par les fenêtres, je crus à des voiles d'or jetés sur les objets. Je regardai par ces fenêtres. On n'apercevait que des arbres hauts et superbes, ceux du Parc de la Muette, puis, au loin, une ligne ondulée de coteaux, la campagne... Perspective que l'on peut avoir d'un château. Je passais en silence, ne pouvant rien dire tant le sentiment de mon humilité était profond. Je songeai au cabinet de travail de mon père, étroit et sévère, donnant sur une cour, et au petit salon de ma mère, où des meubles anciens, mais bien rustiques, choisis à Aiguesbelles, faisaient le plus bel ornement.

Heureusement, Silbermann, qui d'ailleurs me montrait ces choses aussi simplement qu'on pouvait le faire, ne pro- longea pas ma gêne et me conduisit à sa chambre. Là, l'aspect était bien différent, et j'éprouvai un petit mouve- ment de satisfaction à dire au dedans de moi-même- « J'aime mieux la mienne. »

En effet, la pièce était si modeste qu'on eût pu douter

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