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CHRONIQUE DRAMATIQUE

��Un lecteur m'a écrit : « Vous avez manqué un numéro ? » Eh ! oui, j'ai manqué un numéro. Je n'étais pas en train. J'ai besoin, pour écrire, d'avoir l'esprit heureux. C'est un axiome que j'ai souvent énoncé et qui est juste au moins pour moi : on n'écrit bien que dans le plaisir, l'esprit excité par son sujet, sans chercher ses mots, la plume courant sur le papier, une sorte de plaisir physique se mêlant au plaisir spirituel. Autre- ment, écrire n'est qu'une besogne froide et plate et mieux vaut s'abstenir. N'est-ce pas, au reste, ce que St. appelait le moment du génie ? Si tous nous l'attendions peut-être écrirait-on moins et des choses plus intéressantes. Se forcer n'a jamais rien valu ni donné de bons résultats. Il en est là comme dans l'amour ; c'est le désir qui est tout.

Elle me manque quelquefois, cette heureuse disposition d'esprit. Je suis né désenchanté, je crois bien, et trop clairvoyant sur mon compte, trop porté à la réflexion et à la rêverie. Le métier que je fais pour gagner ma vie fait passer sous mes yeux la plus grande partie des ouvrages de littérature qu'on publie aujourd'hui. Il m'arrive quelquefois d'en regarder quelques- uns. Dire qu'il v a des gens qui s'amusent à écrire de pareilles choses et qui s'en contentent jusqu'à le publier ! Quel plaisir ont-ils pu avoir, ou sont-ils aveugles à ce point ? A moins qu'ils se moquent du tiers comme du quart, ce qui est une sagesse, et qu'ils se disent, — ils ont raison au moins sur ce point, — que la plupart des lecteurs n'y connaîtront rien. Je manque déci>- dément de cet aveuglement et de cette insouciance. Quand il m'arrive de relire ce que j'écris, ma parole ! le plus souvent j'irai bien me pendre.

Je vais même reparler de bêtes, à cette occasion. Si un lec-

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