Page:NRF 19.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

236 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

les livres marqués de jugements aussi évidents que leurs reliures.

Cette qualité de certitude, vous la connaissez. Vous l'avez ressentie chaque fois qu'une œuvre irréprochable venait de vous instruire, de son sûr et léger langage, à la fois articulé et ailé. Et je serais surpris, lecteur, ou, plutôt, lectrice (car le destin de ces confidences féminines sera sans doute d'être d'abord écoutées par des femmes : ce sont elles qui feront le succès de Lucienne), je serai surpris si, quand vous aurez pris connaissance des progrès mystérieux de l'action, de ces passions subtiles, réticentes et évasives, de ces douleurs et de ces douceurs qui se fondent les unes dans les autres, de tous ces éléments troubles et secrets, dont Romains a établi la décantation avec tant de respect et d'adresse, si ce qui vous restait enfin n'était point une idée de clarté et, en quelque sorte, d'explication dûment acquise.

L'intrigue du roman ? Elle se devait d'être bien simple. Lucienne, qui nous conte sa vie, est une jeune fille que des événements de famille ont obligée à quitter Paris. Elle donne des leçons de piano dans une ville de province : son amie Marie Lemiez, professeur au lycée, l'a fait connaître à la famille Barbelenet. Elle y aura pour élèves Marthe et Cécile. Arrive l'homme : Pierre Febvre, commissaire de marine, venu se reposer dans une ville d'eaux voisine. Tour à tour chacune des deux élèves de Lucienne le croit épris d'elle-même et s'éprend de lui : mais...

Mais vous lirez cette histoire. Vous assisterez à cette vie solitaire et profonde d'une âme que le dénuement a jeté dans une « sombre joie »; à cette émouvante marche, la nuit, au- delà du fleuve des rails, vers l'étrange maison Barbelenet ; à ce prophétique et fulgurant passage du rapide qui ouvre les événe- ments ; aux pompes bourgeoises et aux mystères des Barbe- lenet : repas au goût intense et recuit, importance, maladies et verrue de Madame Barbelenet, rivalité des deux sœurs. Vous connaîtrez et vous n'oublierez plus ni ces visages de Marthe et Cécile dessinés, à la façon des sculpteurs, d'un trait simple et total, ni cette leçon de piano qui vous arrivera comme l'un des événements de votre vie, ni ces amitiés passionnées où, sans donner dans le banal écueil des jeux suspects, l'auteur est allé

�� �