Page:NRF 19.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1PHIGÉNIE 27I

��Les Cavaliers Rouges mettent pied à terre avec un ensemble cinématographique. Le plus jeune se découvre le sein, d'où coule un lait noir, et allaite un enfant qui vient de naître sous ma plume. Serait-ce donc un symbole ? Je ne crois pas. Les critiques avisés affirment professionnellement que le symbolisme est mort. A vous, Henri de Régnier ! Au fond, c'est le Grand Barbu qui a le meilleur rôle. Il s'approche d'Iphigénie, le baise sur la couture du pantalon, et délace ses jolies bottines. Bravo ! Iphigénie est libre ! Puis il l'emporte dans ses bras, et le couche en travers de sa selle. Les quatre Cavaliers remontent à cheval. Ils galo- pent toute la nuit, à travers la Prairie. Parfois, un loup passe dans le sentier maléfique, maigre, et les oreilles pleines d'étoiles. Ou bien, dans quelque hacienda, un coq poitrinaire chante la mort. Au loin flambe quelque grand feu de pâtres, d'ailleurs dépourvus de la moindre astro- nomie. — Et Iphigénie ? Iphigénie dort. Je vous parlerai de lui tout à l'heure. Pour l'instant, les Cavaliers Rouges traversent une ville ; ce doit être San-Antonio. Je ne l'ai jamais vue ; mais je vais la décrire tout de même. Elle est blanche et grasse comme une misstress. Elle a ôté son square en forme de bague, et l'a posé sur un guéridon ; elle a remisé la Colonne de l'Indépendance dans un étui de laque fourré de soie; elle a ouvert sa Grande Avenue comme une Bible, fait sa toilette près du Temple, soufflé dix mille bougies, et s'est endormie sur l'épaule du Palais de l'Exposition. Rien ne saurait l'éveiller, ni le grincement de ma plume, ni le passage de quatre Cavaliers Rouges. Ils galopent maintenant sur la route du Mexique. Ne me demande pas, ami lecteur, où ils vont. J'en serais réduit à te tirer les oreilles, ou à interroger Iphigénie. Il dort toujours. Ce jeune Yankee a certainement lu les œuvres complètes de l'abbé Delille. Soudain, le Grand Barbu regarde l'heure à la montre australe, et me tend une tran-

�� �