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CHRONIQUE DRAMATIQUE 343

de ses amours et qui paraissent par moments, tant il y met d'ac- cent, être des récits vrais, Mais même au moment de mourir, celui-ci ne renonce pas à sa fable. Comme l'autre, penché sur lui, l'adjure de dire enfin qu'il n'a jamais eu, vraiment, la femme en question, il prononce au contraire son nom avec la même douceur que s'il la tenait encore dans ses bras, empoi- sonnant ainsi pour toujours l'amour du véritable amant. Il semble que M. Jean Schlumberger ait voulu nous montrer là la supériorité, la puissance de l'imagination etdu rêvesurla réalité. C'est en effet un fort beau sujet littéraire et psychologique et il en a tiré parti de façon très attachante. On est toutefois tenté de trouver que ses personnages parlent un trop beau langage et sont bien subtils pour leur condition.

La farce de Papa Ghèorgè, de M. Adolphe Orna, qui se rat- tache au théâtre populaire, est simplement amusante. La curio- sité était surtout dans le jeu des acteurs, transformés en marion- nettes de guignol et imitant leurs attitudes. Cette fantaisie était d'ailleurs fort bien jouée.

Je finirai par croire que la mauvaise influence du cinéma s'étend jusqu'à certains auteurs dramatiques. Ils n'ont plus en vue que la rapidité de l'action, le détail éclatant, le raccourci brusque, au détriment du développement logique des situations et des caractères. M. Edmond Guiraud s'est mis en tête de prendre quelques personnages des romans de Balzac et d'en composer une pièce intitulée Vautrin, du nom d'un des héros les plus marquants de la Comédie humaine, sans en être toute- fois le plus intéressant. Cette pièce ressemble à du Balzac et le rappelle par le nom des personnages. Mais elle n'y ressemble et ne le rappelle en rien par sa composition, son ton, son allure, ses situations. M. Edmond Guiraud a mêlé les situations pour en composer un scénario à sa guise. Il a mêlé de même les per- sonnages. Il en fait paraître certains dans des circonstances aux- quelles ils n'ont aucune part dans l'œuvre du romancier. Il met sans se gêner Lucien de Rubempré à la place de Rastignac, dans le rôle de l'étudiant pauvre de la pension Yauquer. C'est un travail fâcheux, qui témoigne d'une présomption et d'un sans- gêne remarquables. On voit qu'il n'a pensé qu'à composer des tableaux à effet. Sa pièce est bien faite de tous points comme une adaptation pour le cinéma. Quant à la mise en scène, il n'y

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