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CHRONIQUE DRAMATIQUE 345

L'intérêt qu'on prenait à l'action diminue. M. André Calmettes a joué à la perfection le rôle du père.

Il est bien dommage que le Gymnase ait joué si tardive- ment dans la saison la comédie de MM. Jehan Bouvelet et Edgard Bradby : Barbe blonde. Cette pièce, pleine d'originalité, aurait peut-être eu le succès qu'elle méritait d'avoir. Elle n'est pas seulement amusante par son comique. Elle intéresse par son sujet, son action, le caractère de plusieurs de ses personnages. Clément (Barbe blonde) est un brave homme de notaire qui est affreusement marié depuis longtemps et qui a fini par se résigner. Sa femme, avec des allures de créature langoureuse et sentimentale, est acariâtre, tatillonne, quelque peu bigote, assez superstitieuse, se croit persécutée, s'occupe de spiritisme, en même temps qu'elle voudrait bien se faire faire la cour par un cousin à elle, cela sans succès, ce cousin étant épris de la petite bonne de la maison. Elle a même un autre travers, au dire des auteurs, sur lequel je reviendrai tout à l'heure. La pièce vient à peine de com- mencer, qu'une scène éclate entre les époux, amenée à propos de rien par la femme. Elle est probablement plus exaltée qu'à l'ordinaire, car, soudain, elle menace de se jeter par la fenêtre. Lui, par plaisanterie, approche une chaise. Elle monte dessus, de là s'assied sur la barre d'appui, répète à son mari qu'il prenne garde, bien garde, qu'elle va faire un malheur, qu'elle va se jeter pour de bon, et, en effet, par un mouve- ment maladroit, perdant l'équilibre, passe par dessus la barre d'appui et va choir sur le pavé, avant que le malheureux Clément, qui ne s'était pas ému autrement, habitué à ces scènes, ait eu le temps de faire le moindre mouvement pour la retenir. Jusqu'ici, rien de bien remarquable. Un accident de ménage, pas autre chose. Tout mari, tout amant est ex- posé à cette aventure. Au moins au début de cette aventure, car il est rare qu'elle soit poussée jusqu'au bout comme dans Barbe blonde. J'ai eu autrefois une maîtresse qui ressemblait assez à la femme de cet excellent notaire. Même caractère trépidant, même extravagance. Cela la rendait même souvent malade et l'obligeait à se coucher. Un jour qu'elle était ainsi au lit, comme je venais d'entrer dans sa chambre, une crise la prit. Tout comme la femme de Barbe blonde, elle me

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