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PROJECTIONS OU APRÈS-MINUIT A GENEVE 427

« Ne salissez pas mon smoking, c'est tout ce qui me reste de là-bas.

« Ici, la noce c'est triste, triste.

« Chez nous c'était poétique, frère.

« Quelquefois, nous mettions un peu le feu au cabaret. Alors, nous fourrions mille roubles entre les dents du vieux et nous le jetions dans la Neva pour qu'il ne brûle pas tout à fait ; le cocher plaçait la bouteille au chaud con- tre son ventre, se signait, fouettait ; et nous glissions, hourra, sur la sainte neige russe !

« Nous usions des belles filles sous les fourrures du traîneau. Puis nous les jetions nues sur la neige pucelle. Ach, ce whisky, frère, c'est de la vodka sans cœur ! »

Il chantonne : Vodka vodka, ma vodka.

« Vodka cela veut dire petite eau. Tu comprends, ami, de l'eau mignonne, innocente. Cest un mot qu'ont inventé nos admirables paysans, je pense. Une manière d'excuse pour Mâcha qui vous reçoit mal au retour du marché. »

��* *

��J'explique à mon nouvel ami :

« Né d'un Espagnol et d'une Anglaise, j'ai l'âme fon- cièrement russe. Je voudrais vivre avec des forçats. Assis sur un poêle de porcelaine, je leur lirais le livre de bonté et de renoncement. Ensuite, je me tairais inexprimablement et raccommoderais leurs vestes. »

Tendre et sanguinaire, je tonitrue l'Internationale.

Mon nez mon cher nez mon pauvre nez se lamente au fond du verre où se reconstituent quelques topazes de Fockink.

��L'orchestre entreprend C'est une gamine charmante. On attend la belle Thézou. Les cœurs battent religieusement.

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