Page:NRF 19.djvu/456

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

454 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dans l'intérieur de ce cercle il éclate d'une perfection qui charme, qui étonne, qui inquiète. Je songe devant cette préco- cité à Un Homme Libre et au Voyage d'Urien. Ce jeune diplo- mate, cet élève des Sciences Politiques, devait achever déjà, à seize ans, comme Suret- Lefort, toutes ses phrases. Achevées à la française, d'un trait net, coupant, non avec cette mollesse de peupliers frais et de prairie mouillée qui nous plaît dans les phrases de M. Giraudoux. Le style est peut-être un homme, pour qui la valeur est faite de limites. Archie « ramenait la conduite de la vie à une politique et à une esthétique : deux domaines radicalement hétérogènes — l'un où tout était possi- bilité, contingence, où l'on vivait de compromis, où la réussite justifiait l'action, — l'autre où tout était obligation, vigueur, conventions sévères imposées à l'homme par lui-même, qui moulaient son génie, lui résistaient et le forçaient à combattre. Ce royaume de l'esthétique, c'était la part sacrée de la vie, qu'il fallait enclore et protéger, et qu'il fallait mériter parle travail. Il v avait ainsi deux hommes en lui : l'un travaillait avec ses

J

frères humains pour assurer l'organisation matérielle de l'exis- tence ; l'autre, récompense du premier, était anti-social, rebellé contre les conventions, isolé dans le commerce des idées, mais pareil à un Dieu qui pose ses lois et leur obéit, et qui se meut dans l'absolu ».

Evidemment les lois littéraires auxquelles obéit M. Jacques Sindral ne sont pas toutes posées par lui. et nous devinons les lectures d'Archie. Mais nous trouvons aussi une expérience étonnamment riche et aiguë, qui se ramasse en formules sèches et brillantes, et derrière laquelle on sent, comme chez les grands juifs allemands, Marx, Rathenau, une habitude hérédi- taire de papiers de banque, de fortune sous le plus mince volume. Et avec cela cette netteté et cette clairvovance de moraliste français, qu'on reconnaît si fort chez Marcel Proust. Lisez le portrait de l'ambassadeur, et celui de la poétesse sur son trépied delphique : un peu ironique et sec, celui-ci, entouré d'un trait qui parait l'informer et qui, aussi, le déforme, — perspicacité agile qui trouve ses limites dans une déficience sen- timentale, dans un refus de ce qui n'est pas le politique et l'es- thétique.

Les deux livres sont bien du même auteur. La Crise des

�� �� �