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480 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ni la beauté, l'âge ni la laideur n'importent à celui qui place en prééminence la possession d'un caractère ou d'un cœur. Le reste appartient à la transposition dramatique. Le chapitre des Courtisanes n'est pas non plus indispensable ou devrait être plus développé sur la question d'actualité des Don Juanes, que le critique résout par la négative, tout en laissant planer l'hypo- thèse.

Marcel Barrière croit donc à l'existence du Don Juan moderne, tant est grand le pouvoir d'adaptation du Séducteur, et d'ailleurs, sans pittoresque et sans faste, il est sans doute aussi fréquent qu'autrefois. Cependant, l'on ne voit pas bien en quoi le donjuanisme moderne diffère tellement de celui du xvm e siècle. Même dans la conclusion du dernier chapitre sur les Passions au point de vue social et la Morale nouvelle, où l'on croit entrevoir le Don Juan promis, nous retrouvons exacte- ment Louvet et Restif, qui, des premiers, ont contribué à faire admettre le divorce et ont défendu les droits de l'individu dans la sujétion du mariage. Là, cet anarchiste a de grands desseins... mais c'est un anarchiste modère. Il déclare qu'il faut maintenir le mariage, nécessaire à l'équilibre des sociétés, mais le mariage sans la cohabitation obligatoire si défavorable à l'amour. Cela peut paraître le parler de Maître Renard ; néanmoins, on sait que Don Juan est toujours désintéressé, qu'il méprise les con- quêtes faciles, et qu'enfin nul n'est plus qualifié pour parler des choses de l'amour. Donc, « mettre le mariage en harmonie avec les mœurs nouvelles, d'accord avec la réalité des passions ; interdire la dot et la dépendance des femmes en ce qui concerne le domicile et l'administration des biens. Et, conclut Marcel Barrière, rien que par les coups qu'il porte au mariage, le donjuanisme contribue d'une manière détournée à ébranler tout ce que le pharisaïsme contemporain représente de traditions, de légalité, d'ordre, et même de vertus ostentatoires, car la séduction est, sociajement parlant, une des justes revanches de la nature contre les coutumes qui tendent à la domestiquer. » Il s'élève, enfin, contre l'hypothèse de la polygamie, qu'il con- sidère comme un élément de dissolution des mœurs, et un retour à l'esclavage ; car, « le donjuanisme, qui fut la Chevalerie au moyen âge, et qui est dans les temps modernes l'essence de la galanterie, a pour effet social d'imprégner les mœurs amou-

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