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494 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

même s'il lui arrive, ce qui est rare, de larmoyer. Mais ce n'est qu'un plat local, qui a le ragoût du dialecte (avec, simplement, la chance de pouvoir être absorbé par tous d'un bout à l'autre de la péninsule, le patois toscan formant les huit dixièmes de la langue italienne), et auquel les grands sujets, les grandes émotions sont interdits. Il faut reconnaître avec les détracteurs du toscan que l'abus de cette littérature risquerait, si l'on peut dire, « d'em- patoiser » l'italien, de lui enlever toute valeur universelle, ou seulement nationale. Cette querelle du toscan et de l'italien n'est toutefois pas près de cesser. La publication des inédits de Fucini a contribué à la ranimer.

Il v avait eu en Italie depuis l'armistice un vif mouvement de sympathie de la part des jeunes et en particulier des néo-classi- ques dans la direction de Verga. Sous le vérisme du romancier des Malavoglia, on avait aisément découvert, le jour où l'on s'était mêlé d'v regarder de près, une sobriété, une force con- densée, un ramassé dans l'expression et en même temps un lyrisme sous-jacent qui le firent aussitôt qualifier de «grand clas- sique ». Ce fut ce classicisme qui fut célébré lors de son quatre- vingtième anniversaire. Depuis lors, il est peu de prosateurs qui ne se réclament de lui ; les définitions les plus contradictoires de son classicisme sont fournies chaque jour, les conséquences les plus diverses tirées de son œuvre. Il n'existe pourtant pas une doctrine littéraire solide issue de Verga. Et, croyons-nous, il ne saurait en exister. Ses romans, que leur rythme intérieur fera durer, obéissent extérieurement à une conception périmée, celle de Zola. Or le rvthme intérieur propre à Verga ne peut s'ensei- gner, ni s'imiter. Ses nouvelles, du moins certaines d'entre elles : Cavalleria Rusticana, La Lupa, Malaria, qui joignent la brièveté saccadée de Mérimée au « charme » de Balzac, pour- raient, semble-t-il, offrir des modèles de récit, mais personne ne semble jusqu'ici s'en être aperçu. On a beaucoup disserté sur l'art de Verga depuis 1919, nul n'a encore d'une façon évidente et personnelle tiré parti de son grand enseignement.

La lutte des anciens et des modernes continue, toujours imposée par les tenants de la tradition, le groupe combatif et impitoyable de hRonda. Par malheur, aucune œuvre originale n'a été produite par les compagnons de la Ronda, et les trois livres marquants de l'année échappent totalement à leur

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