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50Ô LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

se rend, non pour sauver son pays, mais pour tenter de se sauver lui-même. Il fuit son terrible secret: l'impuisssance. Dans Armance nous avons vu un impuissant français qui ne peut se retenir de faire le galant ; ici, nous trouvons un cas de frigidité britannique (avec mensonge, cruauté, lâcheté, peur des femmes), pathologiquement bien plus vrai. Il est traité par l'héroïsme et les bombardements, considérés comme aphrodisiaques. Ces remè- des- ont l'insuccès de tous les autres. C'est Charlotte, emmenée dans la formation sanitaire, qui sera brave, active, endurante, avec toute la virilité qui manque à John, lequel reste et mourra couard, perfide et hystérique.

C'est là une très intéressante étude de déformation psychique masculine et qui surprendra moins qu'on ne pourrait le croire des lecteurs français habitués, depuis 1750, à voir, à côté de l'Anglais rouge et de l'Anglais rose, l'Anglais pâle et qui verse des pleurs, ancêtre de ce jeune dégénéré.

��PAUL MORAND

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��LE ROMAN DE LA VOIE LACTÉE, par Lafcadio Hearn, traduit par Marc Logé (Mercure de France).

C'est forcé de trouver avec Toulet « bien svmpathique — le bon Loufocadio », et d'aimer de cœur le Japon où il nous intro- duit. Voici des légendes tout à fait gracieuses sur les étoiles, les esprits des animaux, des plantes. On y notera en passant des traits propres à faire voir une fois de plus que tous les folk-lores ont des parties communes. (C'est ainsi que chez nous et chez les Japs on berne les esprits par des procédés semblables. Chez eux, on colle des charmes à côté des fenêtres : l'esprit s'ap- proche, compte : « Combien de feuilles y a-t-il ? » Ces mots, par un calembour, se trouvent être une invocation pieuse qui paralyse le visiteur. Chez nous, à la fenêtre, c'est un tamis qu'on suspend. Le lutin compte les trous : « Un, deux, trois... » Et, trois étant un chiffre saint, figure de la Trinité, il ne peut pas- ser outre.)

L'intérêt de ce livre est surtout dans ses Poésies-tantômes, ou Kyoka, « divagations ». La forme est celle de la tanka classique (31 syllabes, 5, 7, 5, 7, 7). Mais ici on joue avec un sujet lugu- bre : le terrifiant, par une volte soudaine, tourne au burlesque.

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