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ongé de maman, son petit nez, son imperméable, un cadeau de Nioûta, et il murmura :

— Pourquoi vous poudrez-vous ? Cela ne sied pas à votre âge ! Vous vous fardez, vous ne payez pas vos dettes de jeu, vous fumez le tabac des autres... C’est répugnant ! Je ne vous aime pas... ne vous aime pas !

Il l’insultait et, elle, effrayée, terrifiée, remuait ses petits yeux, levait ses petites mains et balbutiait :

— Qu’est-ce qui te prend, mon ami ! Mon Dieu, le cocher va entendre ! Tais-toi, ou le cocher va entendre ! Il peut tout entendre.

— Je ne vous aime pas... ne vous aime pas ! continua-t-il suffocant. Vous êtes sans mœurs, sans cœur... Ne prenez plus cet imperméable ! vous entendez ! Ou je le mettrai en lambeaux...

— Reviens à toi, mon enfant ! dit maman sanglotante. Le cocher entend.

— Où est passée la fortune de mon père ? Où est votre argent ? Vous avez tout gaspillé ! Je ne rougis pas de ma pauvreté, mais j’ai honte d’avoir une mère pareille... Quand mes camarades me parlent de vous, je rougis toujours. »

Il y avait deux stations jusqu’à la gare. Volôdia resta tout le temps sur la plate-forme du wagon, tremblant de tous ses membres. Il ne voulait pas entrer dans le compartiment parce que sa mère, qu’il haïssait, y était. Il se haïssait lui-même, haïssait les contrôleurs, la fumée de la locomotive, le froid auquel il attribuait ses frissons. Et plus lourd il en avait sur le cœur, plus il sentait qu’il existe quelque part dans le monde, chez des gens ignorés de lui, une vie pure, noble, aisée, élégante, pleine d’amour, de caresses, de gaîté, de liberté !... Il sentait cela et en éprouvait tant de peine qu’un voyageur, l’ayant regardé fixement, lui demanda s’il avait mal aux dents.

En ville, maman et Volôdia habitaient chez Maria Pétrôvna, dame noble, qui avait un grand appartement et en sous-louait une partie. Maman louait deux chambres.