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66 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

chinés, habit à la française, chapeau à plumes et houlettes avec rubans de couleur rappelant les bergers de Florian) ; sous peine de décervelage, ils doivent peser un poids minimum. Ils sont astreints, à de certains jours, à des exercices militaires avec maniement de la houlette. Leur lâcheté fait d'eux un objet de risée et de dégoût pour le reste de la population.

» Les salopins jouent un rôle important dans le cycle ubique. Leur rôle consiste à voler et à tuer pour le compte du P. H. et à faire marcher les appareils (machine à décerveler, pince-porc, etc.) »

Tout cela c'est le monde fantastique dont la ville de Rennes est peuplée par des imaginations d'enfants, et ce n'est sans doute pas d'une façon très différente qu'au début du règne de Louis-Philippe le petit Flaubert et ses amis aimaient à se figu- rer les dessous, l'envers de la vie rouennaise. Ce P. H. descend plus ou moins de Croquemitaine avec sa hotte (ici la poche) et avec son croc (plus tard le croc à merdre) qui rôdait naguère dans les rues de la ville. Il est naturel qu'il ait fini par ramasser sur sa route le professeur H... et l'ait mis dans sa peau ou se soit annexé à la sienne. J'ignore quelle peut être la superposi- tion possible de rentiers et de redontiers (Redon serait-il à Rennes ce que Beaune est à Dijon ?) Mais ce troupeau stupide des ren- tiers m'a tout l'air d'avoir pour noyau l'idée d'un dimanche rennais, — semblable à tous les dimanches de province : la sortie, la promenade lente des gens, ce jour-là tous rentiers, et qui, à Rennes comme à Rouen, doivent donner à un enfant sa première imagination du ridicule, de l'automatique, du non- être spirituel. La célèbre valse du Décervelage, mise en musique par Claude Terrasse, et dont M. Chassé établit le texte authen- tique d'après le manuscrit original de M. Charles Morin, con- firmerait cette hypothèse. C'est le dimanche qu'a lieu le grand décervelage, à Thorigné, près de Rennes. Il a suffi à Jarry de remplacer Thorigné par l'Echaudé pour faire de cette valse, vers 1896, l'hymme du Mercure, chanté, nous apprend le voisin Boissard, formidablement par toute la rédaction sur l'impériale d'un omnibus en marche. Et ce massacre des rentiers était en effet propre éminemment à soutenir les ardeurs d'une revue alors combative. Flaubert l'eût entonné d'enthousiasme.

Le mot et l'idée de décervelage puisent manifestement leur

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